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précautions, il peut être utile aux personnes affaiblies par une existence trop sédentaire, par des excès de travail ou de plaisir, par des chagrins prolongés, aux femmes épuisées par les hémorrhagies, aux convalescens d’affections chroniques des voies digestives ou de fièvre intermittente. Il est dangereux pour les asthmatiques, pour les gens sujets aux congestions pulmonaires et surtout pour ceux qui sont atteints de maladies du cœur.

L’habitation des lieux élevés a, comme nous venons de le voir, son utilité et ses charmes sous nos latitudes ; elle n’y représente toutefois qu’un mode de villégiature exceptionnel et dont on pourrait à la rigueur se passer. Il n’en est pas de même dans les pays chauds, où elle constitue l’unique moyen de réagir contre la chaleur énervante du climat. Dans les régions intertropicales, — même quand elles sont salubres, et a fortiori quand elles ne le sont pas, — l’action continue d’une température élevée, les sueurs profuses, la perte d’appétit, l’insomnie qu’elle occasionne, débilitent promptement l’économie et amènent à la longue un état d’anémie particulier qui ne se lie à aucune lésion organique, mais qui s’aggrave avec le temps, et met les Européens dans la nécessité de revenir dans leur pays, ou d’aller vivre pendant quelques mois dans les montagnes dont le climat se rapproche sensiblement de celui qui les a vus naître.

Les Anglais ont donné l’exemple de ces migrations dans leurs possessions de l’Inde. Il est peu de pays où la chaleur soit aussi accablante. A Calcutta, elle devient insupportable à partir de la fin d’avril. J’y ai séjourné au mois de mai, et je ne me souviens pas d’avoir autant souffert de la température sur aucun autre point du globe. Malgré le confortable de leurs demeures, malgré les précautions dont ils s’entourent pour y entretenir la fraîcheur, il arrive un moment où les fonctionnaires et les négocians anglais sentent le besoin d’émigrer. Ils allaient autrefois se refaire au cap de Bonne-Espérance ; ils préfèrent aujourd’hui remonter les pentes de l’Himalaya. En 1821, le gouverneur d’une des provinces récemment annexées à la présidence du Bengale eut l’idée de fixer à Simla sa résidence d’été. Cette localité, située à 700 lieues de Calcutta et à une altitude de plus de 2 000 mètres, était alors déserte ; mais bientôt des maisons s’y élevèrent, on fit des routes pour y accéder : aujourd’hui c’est une station importante où on retrouve le luxe et le confortable des habitations de Calcutta.

Depuis cette époque, le gouvernement a fondé de nombreux sanatoria dans ses trois présidences. Dans celle de Calcutta, c’est Darjeling, à une altitude de 2 668 mètres ; Murrce, qui n’en a pas moins de 2 432 ; Landour, par 2135 mètres ; Sanauser