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de plus qui les hante dans leur existence surmenée. Le barreau et la magistrature commencent à faire de même.

Il faut joindre à ces touristes d’occasion lus malades et les valétudinaires. La facilité des voyages a décuplé le nombre de ceux auxquels on conseille le changement d’air et qui peuvent faire les sacrifices nécessaires pour s’en procurer le bénéfice. Jadis on ne déplaçait que les poitrinaires des classes riches. On les envoyait à Montpellier, à Pau, à Hyères : les Anglais allaient à Pise ou à Madère. Il n’en partait qu’un petit nombre et il n’en revenait pas du tout. Aujourd’hui les phtisiques n’ont plus le monopole de la migration : toutes les maladies à forme chronique, surtout celles qui ont leur siège dans le système nerveux ou qui ont le chagrin pour cause, se trouvent bien du changement de résidence, pourvu que le déplacement s’opère avec intelligence et dans une direction convenable.

Les voyageurs d’hiver ont étendu leurs pérégrinations à tout le bassin de la Méditerranée ; les plus valides, les plus entreprenans vont jusque dans le Levant ; ils visitent Constantinople, parcourent la côte de Syrie ; d’autres se rendent en Algérie, en Tunisie ; quelques-uns vont jusqu’en Égypte ; mais ceux qui ne demandent à la villégiature que du repos sous un ciel clément ne quittent pas la France. Ils se rendent directement sur quelque point de notre littoral méditerranéen et y passent le temps qu’ils ont pu dérober à leurs travaux. Ils ont raison de ne pas aller plus loin, car je ne connais pas, sur aucun point du globe, de climat plus ravissant, de pays plus enchanteur, que la côte qui s’étend de Saint-Tropez à Bordighera. Elle doit son charnu ! à la protection que le massif des Alpes et des Apennins lui procure contre les vents glacés du nord. Cette muraille gigantesque forme un demi-cercle autour de la partie de la côte dont nous nous occupons en ce moment ; puis elle se rapproche de la mer, qu’elle longe jusqu’au de la du golfe de Gênes.

Le littoral couché sur le flanc méridional de ces montagnes est exposé, au soleil ainsi qu’au vent du sud. Devant lui s’étend la mer avec son incomparable éclat ; l’intensité de la lumière, y est égale à la pureté de l’air. Avant d’arriver à Marseille, on entre déjà dans un milieu tellement lumineux qu’aucune autre région de l’Europe ne peut lui être comparée. L’atmosphère est d’une limpidité qui égale celle du Sahara et, pendant la nuit, les étoiles brillent d’un éclat incomparable dans un ciel d’une profondeur inouïe. C’est cet éclat, cette lumière, que regrettent le plus les habitans du Midi lorsqu’ils sont transportés sous le ciel bas et triste des contrées du nord de l’Europe.

Le littoral méditerranéen n’a contre lui que le mistral, ce