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puis les ardens débats auxquels donna lieu jusque vers 1855 la réorganisation politique du Schleswig-Holstein, firent rejeter au second plan les préoccupations de l’ordre » économique. Ce ne fut donc qu’en 1860, quand les esprits parurent apaisés de Flensburg à Neumünster, — la Prusse entrait alors dans une période de difficultés intérieures, — que le cabinet du roi de Danemark Frédéric VII reprit les études interrompues et fixa son attention sur le plan de l’ingénieur américain Hansen.

Ce plan, qui utilisait les dépressions de la Stör et de la Trave, en plein Holstein, faisait suivre au canal un parallèle en latitude, de St-Margarethen, dans l’Elbe, à Haffkrug, sur la grande plage de sable qui fait le fond de la baie de Neustadt. La longueur de la tranchée atteignait 120 kilomètres et sa profondeur 25 pieds anglais (8 mètres environ), ce qui paraissait alors considérable. Le canal avait 7 écluses, et la dépense totale était évaluée à 141 millions de marks ou 178 millions de francs. Cela mettait le kilomètre à 1 400 000 francs à peu près, prix de revient économique.

Peut-être n’était-ce pas là l’unique motif de la faveur du gouvernement danois. Peut-être même l’heureux choix des deux issues — la baie de Neustadt, surtout, est le meilleur débouquement dans la Baltique pour la navigation commerciale — n eût-il pas suffi à mériter son suffrage, si l’ensemble du tracé n’avait, au point de vue politique, parfaitement répondu aux secrètes et trop justes appréhensions du cabinet de Copenhague.

En effet, s’il fallait couper en deux les provinces continentales du royaume, et fixer d’avance, dans une région dont les tendances séparatistes étaient connues, ce que les métallurgistes appellent « une ligne de rupture préparée, » mieux valait adopter le tracé le plus méridional qui pût s’accorder avec les exigences économiques. D’ailleurs tous les plans qui, pour obtenir le plus court trajet, conduisaient le canal de l’embouchure de l’Elbe vers le nord-est, finissaient par aboutir à la baie de Kiel, à Holtenau ; de sorte qu’ils laissaient ce port splendide, objet des convoitises de la Prusse, au sud d’un grand fossé dont il serait facile de faire un jour une frontière politique, au-delà d’un fleuve artificiel dont le lit bornerait inévitablement l’action militaire de l’armée danoise. Au reste, et pour plus de sûreté, le cabinet de Copenhague se proposait d’assurer par un appel aux puissances européennes les bénéfices de la neutralité à la nouvelle voie de navigation, dont le caractère international ne pouvait être méconnu.

On en était là. Les études préliminaires s’achevaient ; les pourparlers diplomatiques s’engageaient ; lorsque la mort du roi