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12 cuirassés, depuis le type Wörth (10 000 t ) jusqu’au type Siegfried (4 000 t) ;

4 croiseurs et 8 éclaireurs (avisos torpilleurs compris) ;

24 torpilleurs de haute mer.

Ceci donne bien, croyons-nous, une idée juste de ce que serait la fraction essentiellement mobile de la flotte allemande ; de ce que serait « l’escadre d’opérations », chargée soit de prendre résolument l’offensive contre le littoral ennemi, soit, grâce au canal maritime, d’accabler successivement les escadres de blocus d’un adversaire obligé départager ses forces entre la mer du Nord et la Baltique.

48 bâtimens ! Il y a là, certes, de quoi faire réfléchir, et il suffit, pour apprécier le poids que l’Allemagne jetterait ainsi dans la balance, de comparer cet effectif à ceux de notre flotte de la Manche et du « Channel squadron » des Anglais. La première comptera 20 navires (dont 6 cuirassés et 2 croiseurs blindés) à la fin de cette année-ci ; la seconde n’en a que 9, dont 4 cuirassés de 14 000 tonnes. Que si, à ces unités de combat toutes prêtes à marcher, on ajoute les réserves mobilisables en deux ou trois jours, on trouve que la flotte française pourrait doubler son effectif, — péniblement, à la vérité, et en faisant flèche de tout bois, tandis que l’Amirauté anglaise ajouterait aisément 10 cuirassés et 20 éclaireurs de toute catégorie à son escadre permanente.

Par conséquent, la flotte allemande conserverait sur chacune de ces deux forces navales une supériorité que n’affaiblit pas à nos yeux la proportion considérable de navires légers, de torpilleurs surtout, qu’on y remarque.

Ce n’est pas tout encore ; car s’il convient de se préoccuper d’abord du présent, il n’est guère moins essentiel de jeter un coup d’œil ferme sur l’avenir, sur l’avenir prochain. Dussions-nous troubler certaine quiétude, n’hésitons pas à dire que la marine allemande va prendre un rapide essor. Pour obtenir l’assentiment du Reichstag à la grande et coûteuse entreprise du canal, on a bien fait entrevoir à cette assemblée qu’on pourrait modérer la progression des dépenses qu’entraîne depuis quinze ans le développement régulier de la marine impériale, puisque l’efficacité des forces navales actuelles allait se trouver doublée. Mais il n’en sera rien en réalité, et c’est l’existence même du canal qui provoquera, si même elle ne justifiera de nouveaux sacrifices ; car il est naturel, il est « humain » qu’en possession d’une route militaire si commode, on veuille se mettre en état d’en tirer tout le parti possible. C’est ainsi qu’après l’achèvement