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ces deux états, à être indépendante du procédé qui faisait passer le corps de l’un de ces états à l’autre ; en particulier, elle resta nécessairement nulle dans le cas où l’état final coïncidait avec l’état initial.

Survint l’hypothèse du calorique ; pour elle, la quantité de chaleur contenue dans un corps, c’est la masse de fluide calorifique qu’il renferme ; la quantité de chaleur absorbée par un corps qui éprouve une modification, c’est l’accroissement subi par la masse du fluide durant cette modification ; pour connaître cet accroissement, il suffit de connaître combien le corps renfermait de calorique au début de la transformation, combien il en renferme à la fin ; ce qui s’est passé dans l’intervalle importe peu ; si la modification subie par un corps se referme en un cycle, le corps renferme, en son état final, autant de calorique qu’en son état initial ; les gains de chaleur qu’il a faits compensent exactement les pertes qu’il a subies.

L’existence du calorique latent avait fait triompher l’hypothèse du calorique ; cependant, cette existence, Lavoisier et Laplace l’ont montré, peut se concilier avec une théorie mécanique de la chaleur formée par la synthèse du mécanisme de Descartes et du dynamisme de Newton ; dans cette synthèse, la chaleur libre, c’est la force vive du mouvement moléculaire ; la chaleur latente dégagée dans un changement d’état, c’est le travail accompli, durant ce changement d’état, par les forces attractives ou répulsives qui agissent entre les molécules ; comme la diminution de force vive, ce travail ne dépend que des deux termes extrêmes du changement d’état ; la valeur de la quantité de chaleur dégagée ne dépend que de l’état initial et de l’état final, et non point des états intermédiaires que le corps a traversés.

Si donc les physiciens se divisaient touchant la nature de la chaleur, ils étaient unanimes à reconnaître que la chaleur absorbée par un corps durant une transformation ne dépend que de l’état d’où part ce corps et de l’état où il arrive ; ils étaient unanimes à proclamer que, durant le parcours d’un cycle fermé, le corps dégage autant de chaleur qu’il en absorbe. En 1783, Lavoisier et Laplace se proposent d’écrire sur la chaleur en n’admettant que des principes communs à toutes les théories que l’on peut former touchant la nature de la chaleur ; ils n’hésitent pas à prendre pour fondement de leurs déductions cet axiome : « Toutes les variations de chaleur soit réelles, soit apparentes, qu’éprouve un système de corps en changeant d’état, se reproduisent dans un ordre inverse lorsque le système repasse à son premier état. » Cet axiome, Berthollet en fait usage dans l’étude de divers pro-