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du passé humain que des phénomènes sociaux ayant évidemment exercé une influence réelle sur l’enchaînement graduel des phases successives qui ont effectivement amené l’état présent des nations les plus avancées. » En d’autres termes, Comte ne tient compte pour établir sa loi historique que de ce qui ne la contrarie pas. Il l’avoue avec la naïveté assez ordinaire aux grands génies : « Ce puéril et inopportun étalage d’une érudition stérile et mal digérée qui tend aujourd’hui à entraver l’étude de notre évolution sociale par le vicieux mélange de l’histoire des populations qui, telles que celles de l’Inde, de la Chine, etc., n’ont pu exercer sur notre passé aucune véritable influence, devra être hautement signalé comme une source inextricable de confusion radicale dans la recherche des lois réelles de la sociabilité humaine, dont la marche fondamentale et toutes les modifications diverses devraient être ainsi simultanément considérées, ce qui, à mon gré, rendrait le problème essentiellement insoluble. » Ainsi le problème est insoluble si l’on en prend toutes les données ; mais nous n’allons en prendre que les données favorables à la solution que nous en voulons, et vous verrez comme il se résoudra bien. On pourrait fermer un ouvrage dont la partie essentielle débute par ce postulatum.

J’irai plus loin. Eût-il tenu compte de tout ce que nous savons de l’histoire de l’humanité, c’est évidemment si peu de chose, et ce que nous en ignorons dépasse d’une façon si formidable ce que nous en savons, qu’il n’aurait pas été admis, en bonne méthode scientifique, à on tirer une loi générale. L’humanité a été fétichiste, polythéiste, monothéiste, elle est encore fétichiste, polythéiste et monothéiste selon les endroits ; voilà tout ce que nous en savons. L’ordre et la succession de ces états d’esprit nous est parfaitement inconnu. Nous tirons de l’existence de ces états d’esprit cette conclusion que l’homme est un animal mystique jusqu’à nouvel ordre ; voilà tout ce que nous pouvons en déduire. N’allons pas plus loin, et si cela ne nous donne pas une loi de l’évolution humaine, tant pis pour nous. Il est essentiel de savoir se résigner.

Une partie de son système historique, qui marque bien ce crue tout son système a d’hypothétique et de factice, c’est ce qui concerne le prétendu état métaphysique. Il a besoin comme transition entre l’état théologique et l’état scientifique d’un état métaphysique où l’humanité a vécu d’abstractions. Cet état il le fait de très courte durée. Je ne vois pas qu’il aille à plus de trois siècles, du XVIe au XIXe. Voilà un des trois grands états de l’humanité, un état qui dure trois cents ans ; le premier ayant duré