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des plus âgés et des plus habiles reviendront bientôt comme doctores. L’Empereur sera heureux de pouvoir leur confier des emplois.
LIEBITRAUT. — Cela ne manque pas.
L’ABBE. — Ne connaîtriez-vous pas, par exemple, un jeune gentilhomme… Il est de la Hesse…
OLEARIUS. — Il y a beaucoup de Hessois à Bologne.
L’ABBE. — Il s’appelle… Il est de… Aucun de vous ne le connaît ?… Sa mère était une ;… Oh ! son père n’avait qu’un œil… il était maréchal.
LIEBITRAUT. — De Wildenlholtz ?
L’ABBE. — C’est cela ! de Wildenlholtz !
OLEARIUS. — Je le connais bien. Un jeune homme de beaucoup de talent. On loue surtout son habileté dans la dispute.
L’ABBE. — Il tient cela de sa mère.
LIEBITRAUT. — Mais son père ne s’en vanta jamais. Cela montre comment les défauts ne sont que des vertus déplacées.
L’EVEQUE. — Comment disiez-vous que s’appelle l’Empereur qui a écrit votre Corpus juris ?
OLEARIUS. — Justinien.
L’EVEQUE. — Un excellent seigneur ! Qu’il vive !
OLEARIUS. — A sa mémoire !
(Ils boivent.)
L’ABBE. — Et son livre doit être un beau livre.
OLEARIUS. — On pourrait l’appeler le livre des livres. Un recueil de toutes les lois, avec les sentences faites pour tous les cas ; et ce qui pouvait être encore défectueux ou obscur est complété par les commentaires dont les hommes les plus sages ont orné cet excellent ouvrage.
L’ABBE. — Un recueil de toutes les lois ? Peste ! On y trouve aussi les dix commandemens ?
OLEARIUS. — Implicite, oui, mais non explicite.
L’ABBE. — C’est bien ce que je veux dire : simplement, sans autre explication.
L’EVEQUE. — Et ce qu’il y a de plus beau, c’est qu’un État pourrait, comme vous le dites, vivre dans la paix et la tranquillité les plus sûres, si ces lois y étaient bien établies et bien maintenues…


La volonté de respecter l’histoire et de l’introduire au complet dans son drame est pour Gœthe une gêne continuelle ; mais, plutôt que de s’en libérer, il préfère paraître maladroit. Prenons, par exemple, l’anecdote caractéristique du tailleur Sindelfingen que nous avons contée plus haut : Gœthe tient à l’utiliser. Dans sa première version, qui est la plus longue, elle se trouve introduite avec assez de naturel dans une discussion qu’ont ensemble Elisabeth (la femme de Gœtz) et Marie (sa sœur), tout en racontant des histoires au petit Charles (son fils) :

Dans la seconde version, plus resserrée, l’anecdote perd presque tout son sens, étant présentée autrement :


ELISABETH. —… Te souviens-tu encore de la dernière sortie de ton père, lorsqu’il t’apporta un petit pain blanc ?
CHARLES. — M’en apportera-t-il encore ?
ELISABETH. — Je le pense. Vois-tu, il y avait un tailleur de Stuttgart qui