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LA QUESTION TCHEQUE

Il y a vingt-six ans déjà que M. Saint-René Taillandier publiait ici même, sur la situation politique de la Bohème, un article qui était un cri d’alarme[1]. L’écho s’en perdit vite dans l’indifférence du public mal préparé à le comprendre, dont l’attention ne fut que trop distraite par les événemens. Depuis 1869, la « question tchèque » n’a cessé de devenir plus grave et plus aiguë d’année en année. Elle est aujourd’hui la question vitale de la politique autrichienne. Elle est, surtout, le principal obstacle air progrès du germanisme. À ce double titre, elle a pour la France un intérêt de premier ordre. « Il s’agit de nous ! » disait déjà M. Saint-René Taillandier à une époque où notre territoire était intact et où nos prochains désastres n’étaient même pas soupçonnés. Il s’agit de nous, aujourd’hui, plus que jamais. Combien de Français le savent-ils ? Notre souhait et notre but seraient qu’il y en eût quelques-uns de plus.


I

Si on jette les yeux sur une carte ethnographique de l’Europe, on remarquera que la frontière de la race et de la langue allemandes dessine, à l’Est, un grand angle rentrant. Tandis que l’Allemand du Nord s’avance jusqu’à Breslau et l’Allemand du Midi jusqu’à Vienne, au centre même de l’Allemagne, la race germanique ne dépasse pas la frontière de Bavière. Le chemin de fer de Nuremberg à Prague n’a pas plutôt franchi la forêt de Bohême que le paysage, les costumes, la langue, tout change comme un

  1. L’Autriche et la Bohême en 1869. La question tchèque et l’intérêt français, 1er août 1869.