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H. de Kaufmann, une encaisse disponible, dont le but est double. Elle répond tout d’abord à un besoin de sécurité : il est bon qu’un gouvernement, aussi bien qu’un particulier ou une société, ait constamment sous la main des sommes, accumulées durant les périodes de calme et de prospérité, qui lui permettent d’affronter une crise politique ou économique sans être pris au dépourvu, et d’attendre pendant quelques mois la rentrée des impôts ou la réalisation d’autres ressources. C’est ainsi que le premier article de chaque budget anglais est une somme liquide que le gouvernement possède à son crédit à la Banque d’Angleterre et à celle d’Irlande (Balance in the Exchequer), et qui constitue ce qu’en termes de comptabilité on appelle le « report à nouveau ». Au 31 mars 1894, date de la clôture de l’avant-dernier budget, ce report était de 150 millions de francs. Mais le solde en Angleterre est incorporé au budget annuel, tandis qu’en Russie il en reste distinct. Ce fonds, dans lequel le ministre des finances peut puiser à chaque minute, lui permet d’exécuter les ordres imprévus qu’il recevra du tsar et devient à cet égard une sorte de nécessité dans un gouvernement autocratique. Il a été grossi dans les dernières années par les emprunts de conversion, dont une fraction, à plus d’une reprise, fut employée à cet objet. D’autre part c’est lui qui a fourni en 1891 et 1892 les sommes considérables qui ont été distribuées aux victimes de la disette à titre d’avance ; le tsar Nicolas II, en montant sur le trône, a fait remise aux contribuables de 57 millions qu’ils devaient encore de ce chef au Trésor.

La question de la séparation des budgets ainsi éclaircie, prenons le budget ordinaire et examinons les principales sources de revenus. Nous serons aussitôt frappés par une série de caractères tout à fait spéciaux et qui donnent aux finances russes une physionomie bien originale et profondément différente des nôtres.


III

Les impôts directs ne produisent que 100 millions de roubles, un douzième des rentrées totales, alors que chez nous ils s’élèvent à un demi-milliard de francs et représentent une proportion presque double, plus du septième dans un total de 3 400 millions de francs. Les impôts indirects, droits et taxes, fournissent la moitié des recettes, plus de 600 millions de roubles. Le reste provient des droits régaliens, du domaine mobilier et immobilier de l’État, des annuités de rachat payées par les anciens serfs, et enfin des remboursemens d’avances faites aux compagnies de chemins de fer et à d’autres. Les boissons, parmi les impôts