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Le titre septième est un trait distinctif du budget russe : on aurait de la peine à trouver rien d’équivalent dans les finances des autres nations. Il comprend, pour un total de 88 millions, les annuités de rachat dues au Trésor par les ex-serfs des particuliers, des apanages et de l’État. C’est en 1861 qu’Alexandre II édicta l’affranchissement des serfs, attachés jusque-là à la glèbe, au point que chaque unité humaine ainsi rivée au sol servait de gage aux prêts hypothécaires que les propriétaires se faisaient consentir par les banques. Cela s’appelait une âme : autant d’âmes, autant de fois le prêteur avançait 40, 50 ou 60 roubles. Les paysans désormais affranchis furent mis en possession de lots île terre enlevés à leurs seigneurs, aux domaines de la couronne (apanages), ou à ceux de l’État. Celui-ci a remboursé immédiatement à la noblesse la valeur des domaines dont il la dépouillait, et a exigé des anciens serfs le paiement d’un certain nombre d’annuités dites de rachat. La rentrée de ces sommes ne se fait pas toujours avec régularité ; elle présente des difficultés particulières aux époques de crises agricoles, dues aux mauvaises récoltes dont la dernière a été celle de 1891. C’est un des points faibles du budget, où cette rentrée tiendra cependant une place considérable jusqu’en 1910.

Le titre huitième comprend le recouvrement de débours effectués par le Trésor, à savoir les annuités dues par les compagnies de chemins de fer à qui le gouvernement avait consenti des avances ou donné des garanties d’intérêt, le fonds de concours proprement dit, et les rentrées d’indemnités de guerre, avant tout le versement annuel à faire par la Turquie en exécution du traité de San Stefano. Le titre neuvième, « diverses rentrées accidentelles ou sans importance, » s’élève à 7 millions de roubles ; il complète la liste des ressources ordinaires. Les ressources extraordinaires sont en 1895 constituées exclusivement par un prélèvement sur l’encaisse disponible du Trésor.

Si nous considérons d’une façon générale les élémens constitutifs de ce budget, nous sommes frappés par les caractères suivans : les impôts directs, nous l’avons dit dès le début, représentent une part très faible des rentrées : cela tient à plusieurs causes. Tout d’abord la richesse est moindre et surtout moins également répartie sur un grand nombre de têtes que dans les pays occidentaux de l’Europe : il y a donc de ce chef moins de matière imposable. Ensuite la politique des tsars a toujours été de ménager la noblesse, qui détient encore une grande partie du sol et constitue une caste privilégiée ; enfin les dépenses municipales, qui sont la véritable justification des taxes directes, sont