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l’indication sera nette, — plus le scrutin tournera au profit de l’État et meilleur sera le mode employé. Si le scrutin de liste donne mieux cette impulsion, cette direction ou cette indication, il répond mieux à la première fin du suffrage, il sert mieux l’État, il vaut mieux que le scrutin d’arrondissement.

En second lieu, — le droit de suffrage est institué pour assurer à tous les citoyens, avec la meilleure législation, la meilleure représentation de leurs intérêts les plus généraux. Par suite, plus il y aura de citoyens représentés, mieux ils seront représentés, plus généraux ou moins particuliers seront les intérêts représentés, meilleure sera la représentation, et meilleure la législation, — plus le scrutin tournera au profit commun de tous les citoyens et meilleur sera le mode employé. Si le scrutin de liste donne mieux cette représentation plus générale, cette législation inspirée de plus haut, et de vues moins fermées, il répond mieux à la seconde fin du suffrage, il sert plus de citoyens, et sert mieux tous les citoyens, il vaut mieux que le scrutin d’arrondissement.

Mais ce n’est pas tout. Moins la division électorale sera arbitraire, plus elle respectera la géographie et l’histoire, et meilleur sera le mode de scrutin. Or, le département est déjà un découpage, arbitrairement l’ait sur la carte de France, mais l’arrondissement l’est bien plus, et la circonscription l’est bien plus encore. La circonscription, en effet, n’a de base que dans un chiffre de population, lui-même arbitrairement fixé : il est convenu qu’il y aura un député par 100 000 habitans. Mais pourquoi 100 000 ? et pourquoi prend-on ces 100 000 habitans ici plutôt que là ? Ce découpage, opéré arbitrairement, du territoire en circonscriptions électorales se prête à tous les calculs et à toutes les combinaisons ; il renverse ou détruit toute relation, tout rapport entre la force ou l’importance des partis dans le pays et leur représentation dans le parlement, comme on l’a vu en Allemagne, aux élections pour le Reichstag, comme nous le voyons en France, et comme on vient de le voir en Angleterre. De plus, en associant violemment et bien qu’ils en jurent, des intérêts locaux souvent contradictoires, il opprime et supprime, sans qu’il puisse s’exprimer, l’intérêt général ; il ne laisse debout que des intérêts particuliers, et ce qu’il y a de plus privé parmi les intérêts particuliers.

Inversement, moins la division sera arbitraire, plus elle respectera la géographie et l’histoire : moins elle sera artificielle, plus elle se rapprochera de la nature ; et moins elle se prêtera aux calculs trop retors et aux combinaisons trop habiles, plus elle conservera et serrera le rapport entre les différens partis et leur représentation au parlement et moins elle permettra à des intérêts par trop particuliers de s’entre-déchirer et de s’entre-dévorer,