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ferrées. Toutefois nous devons placer ici une remarque générale qui s’applique à l’ensemble de nos calculs et de nos conclusions sur les finances russes : les documens nombreux et détaillés que nous avons à notre disposition émanent tous du gouvernement et laissent peut-être dans l’ombre, au dire de certains auteurs, des côtés moins favorables de la situation, sur lesquels nous n’avons aucun moyen de nous renseigner. C’est ainsi qu’on a prétendu que les arriérés d’impôt étaient plus considérables que les chiffres officiels. C’est ainsi encore qu’il existe une dette flottante du Trésor qui ne figure pas dans les budgets. Le ministre vient de décréter la création de treize séries de bons d’un nouveau type rapportant 3 0/0 ; chaque série est de 3 millions de roubles ; les coupures sont de 50 et 100 roubles : ces bons doivent être amortis en quatre ans. C’est ainsi enfin qu’il faut faire entrer en ligne de compte dans la dette publique le découvert du Trésor vis-à-vis de la Banque de Russie, dont nous allons expliquer l’origine et l’étendue.


V

Notre étude ne serait pas complète sans un examen de la situation monétaire. Cette question, vitale dans tout pays, est encore plus grave, s’il se peut, là où l’instrument des échanges n’est pas le métal, mais le papier. Or le rouble n’est plus un poids d’argent, il n’est pas encore un poids d’or ; il est un billet de crédit, comme le désignent à juste titre les documens officiels. Ce billet est émis par la Banque de Russie, qui n’est qu’un département du ministère des finances ; il n’est pas remboursable en espèces, et cependant, à toute heure, il est échangeable contre une quantité, variable il est vrai, d’autres monnaies, telles que le franc, la livre sterling, le reichsmark, qui sont des poids certains d’un métal précieux. Ce n’est pas ici le lieu d’entrer dans la discussion du problème en général et d’expliquer qu’à la base de l’idée monétaire, dans l’état actuel de la civilisation humaine, est toujours une notion métallique. L’unité, qui était au commencement du XVIIIe siècle une quantité déterminée de cuivre, fut ensuite une pièce d’argent et plus tard une pièce d’or, dont la proportion a varié par rapport au rouble-argent. Parallèlement à ces transformations du numéraire, l’État, dès 1705, émettait du papier, qui fut d’abord payable en métal, à la volonté du porteur, mais ne tarda pas à recevoir cours forcé : les nationaux furent tenus de l’accepter en paiement de toutes créances. Les guerres de la fin du XVIIIe et du commencement du XIXe siècle mirent le Trésor dans une pénurie constante ; il ne cessa de multiplier le papier qui