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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 130.djvu/87

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en même temps que diminuait le fonds d’échange, c’est-à-dire la garantie métallique de la circulation. Bientôt la convertibilité des billets en espèces fut abolie, le métal fit de nouveau prime. Depuis cette époque, le cours du rouble-papier n’a plus atteint le pair. La première altération du pacte tacite intervenu en 1839 entre l’État et les porteurs de billets s’était produite sous forme d’émissions nouvelles, en garantie desquelles le gouvernement ne déposait qu’un sixième de leur valeur en métal. En 1855, les nécessités de guerre firent émettre du papier sans aucune espèce de couverture métallique, avec la simple promesse de le retirer aussitôt la paix conclue. La circulation de 300 millions de roubles s’éleva au double, c’est-à-dire 600 millions.

Tout le poids en incombait au Trésor, et s’aggravait encore du fait qu’il n’était pas seulement la banque d’émission du pays, mais aussi sa banque foncière, et, dans une certaine mesure, sa banque mobilière. Les sociétés privées par actions, qui existaient depuis si longtemps en Angleterre et qui se développaient déjà alors dans le reste de l’Europe, étaient à peu près inconnues en Russie, où quelques établissemens officiels, tels que la Banque impériale du commerce, les banques de prêts sur immeubles à Pétersbourg et à Moscou, la Caisse des établissemens du conseil de tutelle, recevaient seuls l’argent du public et l’employaient à l’escompte ou aux prêts hypothécaires. La matière escomptable, c’est-à-dire le papier commercial, était peu abondante ; il n’existait guère de fonds publics pouvant donner lieu à des avances ; la principale activité des banques se concentrait dans les opérations foncières à long terme : elles prêtaient sur immeubles, contre remboursement par annuités égales ; le gage consistait dans des maisons de pierre en ville ou dans des biens ruraux. L’estimation de ces derniers se faisait, non pas d’après leur étendue, mais d’après le nombre de serfs attachés à la glèbe ; la somme avancée dépendait de la quantité d’âmes, selon l’étrange expression russe, qu’accusait le dernier dénombrement.

D’autre part les déposans qui apportaient aux banques les capitaux au moyen desquels elles se livraient à ces opérations recevaient des intérêts, et même les intérêts des intérêts, tout en conservant le droit d’opérer à tout instant des retraits à vue. Ces banques gouvernementales étaient donc de véritables caisses d’épargne, avec cette particularité que les versemens des déposans n’étaient limités à aucune somme, et qu’au lieu d’un livret nominatif et unique, ceux-ci avaient le droit de réclamer des billets payables au porteur et à présentation, établis par sommes rondes de mille, cinq mille et dix mille roubles. Les billets pouvaient