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De plus, les sympathies qui avaient existé de tout temps entre les deux nations, s’atténuaient au point de faire place à une indifférence déjà hostile. Nos voisins ne se gênaient guère pour déclarer à qui voulait l’entendre qu’ils étaient résolus à développer leurs industries à outrance pour nous faire pièce, et que, pour les produits qu’ils ne pourraient fabriquer eux-mêmes, ils n’avaient que l’embarras du choix entre les offres de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Belgique et de l’Italie.

Une association s’était cependant formée des deux côtés du Jura pour la recherche des moyens les plus propres à amener une réconciliation commerciale entre nos voisins et nous. Les membres français de cette Union franco-suisse ont peut-être oublié parfois, dans leur ardent désir de réussir, que tous les torts n’étaient pas de notre côté, que la Suisse avait bien eu les siens, et qu’il ne fallait pas rendre seuls les auteurs du tarif de 1891 responsables de la rupture et de ses suites. Mais ces points n’ont plus qu’un intérêt rétrospectif assez secondaire. Le prédécesseur de M. Lebon au ministère du commerce, M. Lourties, avait très sagement défini la façon dont il fallait ouvrir les négociations : « Je suis d’avis de rentrer en conversation avec les Suisses, afin de savoir si réellement ils sont disposés à faire les concessions réciproques nécessaires pour aboutir à une entente… Il ne faut pas nous mettre dans le cas de subir un refus. »

Ce que M. Lourties avait commencé, MM. Lebon et Mano-taux l’ont achevé, bien secondés en cette négociation par M. Barrère, notre ambassadeur à Berne. L’affaire a été menée discrètement, avec une véritable entente des intérêts à ménager des deux parts, et, lorsque subitement on apprit, en juin, que les deux gouvernemens s’étaient mis d’accord, ce que l’on connut d’abord des conditions de l’entente permit de conclure à la certitude du succès auprès de l’opinion et du Parlement.

La convention nouvelle diffère de celle de 1892 en trois points essentiels : le nombre des articles sur lesquels portent les réductions consenties sur le tarif minimum français, l’importance de ces réductions, et leur répercussion vis-à-vis des pays autres que la Suisse. En 1892, soixante-deux articles du tarif minimum français étaient remaniés : la convention n’en touche que trente. Les réductions consenties sont inférieures à celles de 1892. Elles imposent un moindre sacrifice à celles de nos industries qui vont subir une diminution de protection. Nos négociateurs enfin se sont efforcés de ne faire porteries concessions que sur des articles de production suisse (fromages, montres, broderies, etc.), afin d’éviter que, par l’effet de la clause de la nation la plus favorisée,