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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 août.


Depuis quinze jours, on ne peut pas dire que l’aspect du monde européen soit resté stationnaire. Le kaléidoscope a tourné, et tourne encore : il serait difficile de prévoir quelles images il présentera dans quelques semaines. Rien d’inquiétant en tout cela. La situation reste foncièrement la même, bien que ses manifestations extérieures deviennent de plus en plus complexes. C’est surtout en Bulgarie que les nuages se sont amassés, peut-être pour se dissiper subitement, et cela serait désirable. Mais il y aurait trop de danger à vouloir être prophète ; on s’exposerait à recevoir des événemens un démenti plus ou moins formel. Plus que jamais, — et rien d’ailleurs ne convient mieux à une chronique, — nous écrivons au jour le jour, ad narrandum.

La mission bulgare dont nous avons déjà parlé, et qui a été reçue avec tant de bienveillance à Saint-Pétersbourg et à Moscou, est rentrée à Sofia en passant par Vienne. Elle s’est à peine arrêtée dans cette dernière ville, assez toutefois pour s’être vue en butte aux entreprises des journalistes en quête de nouvelles ou d’impressions, et elle n’a su se défendre qu’à demi contre ces assauts. Le métropolite Clément a déclaré à un rédacteur de la Nouvelle Presse libre qu’il ne doutait pas de la réconciliation de la Bulgarie et de la Russie dans un avenir très prochain, et que l’accueil fait par le tsar à la délégation bulgare en était le sûr garant. Les journalistes sont indiscrets : le rédacteur de la Nouvelle Presse libre a interrogé le métropolite Clément sur la manière dont pourrait s’opérer la réconciliation, et celui-ci a répondu que la dynastie bulgare devait nécessairement être orthodoxe. Le prince Ferdinand devait-il se convertir lui-même, ou seulement faire élever son jeune fils, le prince Boris, dans la religion orthodoxe ? Le métropolite ne s’est pas expliqué sur ce point. Il y a trois ans à peine, la constitution bulgare a été modifiée, précisément pour donner au prince de Bulgarie et à ses descendans la liberté de rester catholiques, et c’est suivant le rite de cette religion que le jeune Boris a été baptisé. Le prince Ferdinand s’est certainement aveuglé s’il a cru que, dans un pays balkanique, le désaccord religieux pourrait subsister longtemps