lettres et sciences. Née de la réaction patriote de 1868 et des généreuses ambitions de Strossmaier, elle porte encore aujourd’hui le cachet de sa double origine, malgré l’épuration magyare, qui est même parvenue à y introduire l’athéisme.
L’Académie, assez richement dotée, couronne chaque année des travaux et assume les frais de leur publication. Le plus considérable est sans contredit le grand dictionnaire jugo-slave, conçu d’après la méthode de Littré, et parvenu jusqu’à la lettre L. Le premier collaborateur du dictionnaire fut le célèbre philologue Danicic, élève de Vuk, continué par le type accompli de l’encyclopédiste et du polyglotte, Budmani. L’Académie est placée hors de la sphère d’autorité et même d’influence de l’Etat. C’est le refuge de la haute culture nationale, le sanctuaire où se conserve le pur esprit de l’homme auquel la Croatie doit son reste de force vitale, après quinze années de ce régime dissolvant : Mgr Strossmaier.
Cette grande figure de Strossmaier n’a pas encore été placée, devant le public européen, sous son vrai jour. Certes, le siècle la revendique, et parmi les orateurs, les érudits, les philosophes, élite réclamée, en quelque sorte, par le genre humain, il pourrait choisir son groupe, assuré d’y trouver le rang. Au fond, il appartient surtout à son peuple et n’a toute sa taille que dans ce cadre qu’il a choisi et illustré.
C’est lui qui, au lendemain de la mort de Jellacic, précédée d’une disgrâce caractéristique, a sauvé l’héritage de la renaissance nationale. Quand un peuple essentiellement militaire, enthousiaste, courageux, honnête, — quelquefois jusqu’à la crédulité, — est surpris par la crue ambiante de la civilisation et obligé de se juter dans des formes nouvelles de lutte pour la vie, il a besoin, avant tout, d’un ordonnateur de la transition. Si ce peuple est faible et riche surtout de bonne volonté, cet ordonnateur doit être doublé d’un croyant. Mgr Strossmaier croit à l’avenir des Jugo-Slaves, d’une foi grandiose et communicative, qui tantôt s’élève au-dessus des déceptions inévitables, tantôt descend aux détails d’une œuvre complexe et contrariée.
De bonne heure il a deviné son étoile. Mais c’est sa volonté qui l’a fixée. Déjà célèbre à l’Augustineum, ancien prédicateur de la Cour, servi par de hautes relations avant même que commençât sa carrière épiscopale, il n’eût dépendu que de lui de s’élever, dans l’Eglise d’Autriche, au rang des prélats conseillers des trônes. Il