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de mon voyage jusqu’à ce que je sois sorti du défilé où je suis entré. »


Quelques jours plus tard, dans une nouvelle lettre, il me tenait au courant de certains incidens, et il ajoutait : « Tout ce que je recueille en ce moment me montre que j’ai été bien inspiré en faisant la démarche qui m’a conduit à Vienne. Je n’oublie pas que vous êtes de ceux qui me l’ont conseillée avec le plus de chaleur et de conviction. »


Pendant les deux mois qui suivirent la visite de Frohsdorff, il n’y eut pas de semaine, et, en quelque sorte, pas de jour que je ne visse M. le Comte de Paris, ou ne reçusse de lui quelque communication. Je faisais partie, en effet, d’un petit groupe de personnes qu’il avait spécialement chargées de préparer le succès de la campagne, et de le tenir au courant des moindres incidens. Il y avait deux choses à faire : trouver, pour le rétablissement de la monarchie, une formule acceptée par M. le Comte de Chambord qui pût être proposée à l’Assemblée nationale ; assurer d’avance à cette formule l’adhésion d’une majorité. Nous étions aux prises avec des difficultés qu’on a peut-être un peu oubliées. La démission de M. Thiers n’avait été acceptée, le 24 mai, qu’à 14 voix de majorité. Dans la composition de cette majorité figuraient environ 30 bonapartistes (au moins d’origine), dont la moitié seulement, dans cette circonstance, continuait à marcher avec nous. Pour remplacer ceux qui nous faisaient défaut, il fallait donc recruter 15 à 20 voix parmi les membres du centre gauche, demeurés jusque-là fidèles à M. Thiers. J’étais particulièrement chargé de ce travail, et je possède encore, transmise par lui, la liste de ceux que nous appelions les douteux. Les meilleurs moyens d’agir sur ces douteux, les différens procédés à l’aide desquels on pouvait déterminer leur conviction firent à ce moment l’objet d’une correspondance très active entre M. le Comte de Paris et moi. Je n’en puis rien publier, car ces lettres traitent de questions de personnes. Je me bornerai à dire que la révélation de certaines promesses de vote, ou tout au moins d’abstention, causerait aujourd’hui quelque étonnement.

Tant d’efforts devaient demeurer infructueux. Dans la journée du 30 octobre, j’appris de la bouche du duc de Broglie, qui était alors ministre des affaires étrangères, qu’une lettre de M. le Comte de Chambord à M. Chesnelong venait d’arriver. Mais le contenu ne lui en était pas connu. Une réunion de la droite devait précisément avoir lieu ce jour-là, rue de Labaume, chez le général Chaugarnier. Je pensais bien que communication de la lettre