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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 131.djvu/297

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de l’Angleterre dans la fondation de ses colonies est la multiplication de la race anglaise pour la propagation de ses institutions… Vous rassemblez un certain nombre d’hommes libres, destinés à former un État indépendant dans un autre hémisphère à l’aide d’institutions analogues aux nôtres. Cet État se développe par le principe qui est en lui, protégé comme il le sera par votre pouvoir impérial contre toute agression étrangère ; et ainsi, avec le temps, se propageront votre langue, vos mœurs, vos institutions, votre religion, jusqu’aux extrémités de la terre. Que les émigrans anglais emportent avec eux leurs libertés tout comme ils emportent leurs instrumens aratoires : voilà le secret pour triompher des difficultés de la colonisation. »

Pourquoi ces idées si larges et si belles, qui ont fait la grandeur et la gloire d’une puissante nation, ne pouvaient-elles germer dans le cerveau des hommes, éminens pourtant, qui sous la Restauration formaient l’opposition libérale ? Pourquoi, au contraire, en toute occasion, ces hommes se montraient-ils les adversaires acharnés et irréductibles des colonies et de toute politique coloniale ? Hélas ! c’est qu’ils étaient de l’opposition, et qu’une opposition disciplinée doit trouver détestable tout ce que fait et tout ce que propose le gouvernement qu’elle combat. Aujourd’hui encore, les colonies comptent dans le Parlement de nombreux ennemis, mais si leur ardeur contre elles est toujours la même, c’est d’un autre côté qu’ils siègent. O malicieuse et implacable Histoire, quel coup d’œil narquois et quelque peu attristé ne dois-tu pas jeter sur cette inconsciente versatilité des hommes ! Mais l’Histoire a tant vu de choses qu’elle ne s’étonne plus de rien.


II

Partout où le gouvernement de la Restauration tenta d’appliquer ses velléités de politique coloniale, si conforme aux traditions de l’ancienne monarchie, si nécessaire aux grands intérêts de la France, il se heurta à deux sortes d’ennemis, les uns étrangement aveugles, les autres remarquablement éclairés et réfléchis : l’opposition libérale et les Anglais. Ces adversaires si différens par leurs mobiles et par leur but, la Restauration eut à les combattre chaque fois qu’elle voulut, soit essayer d’arracher une colonie à la ruine, soit tenter d’en créer une nouvelle : au Sénégal, en Guyane, à Madagascar, à Alger, elle les trouva les uns et les autres également acharnés contre ses projets.

À Madagascar pourtant, la partie se présentait assez belle pour nous, et s’il était une parcelle de l’ancien empire colonial français qu’il fallût tenter de ressaisir et de rattacher à notre