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imposées à des classes nombreuses d’assurés est certainement arbitraire. De même pour les « surprimes de voyage ». Dans une nation aussi peu errante que la nôtre, il semble superflu d’interdire, comme font les polices, les « pays inexplorés » : je serais curieux de savoir combien nos compagnies ont perdu de cliens en Asie centrale ou en Patagonie. On peut, sans encourir la déchéance de son contrat, mourir en Égypte en deçà de la première cataracte du Nil d’un bout de l’ai niée à l’autre, et du 1er octobre au 1er avril, entre la première et la deuxième cataracte. Plus généreuses, certaines compagnies permettent en toute saison l’approche de cette seconde cataracte. Mais il n’est pas de surprime qui puisse garantir le montant de son assurance à l’un de nos compatriotes qui décéderait au-delà de la quatrième cataracte. Le voyage en Palestine n’est libre aussi qu’en certains mois. D’autres pays ne sont exempts que jusqu’à tel degré de longitude ou de latitude. Parmi ceux qui sont taxés, il ne semble pas que le Mexique, où la surprime est. de 4 pour 100, soit beaucoup plus funeste aux Européens que la Perse, où elle n’est que de 2 pour 100, ni que le Japon, où elle est de 1 pour 100.

Il est un risque beaucoup plus sérieux, c’est celui de guerre. Jusqu’à 1887 il fut considéré connue absolument inassurable, en France ; du moins, — car il est des pays où, moyennant une taxe supplémentaire de 20 centimes par 100 francs pour les soldats et 40 centimes pour les officiers, payable annuellement jusqu’à 45 ans, — les compagnies assument cette responsabilité. Comparée d’ailleurs à plusieurs autres fléaux qui sont, compris dans la garantie ordinaire, tels que la guerre civile ou les épidémies, la guerre étrangère ne paraît pas, sous le rapport de la mortalité, beaucoup plus redoutable. La guerre d’Italie, en 1859, occasionna moins de décès que le choléra de 1849. Il ne mourut pas plus de Français dans l’expédition de Crimée, en 1851, que durant l’épidémie de 1853. La grande « peste » du XIXe siècle, ce choléra asiatique qui nous vint, en 1832, d’Angleterre et de Russie, après avoir fait périr aux Indes plusieurs millions d’hommes, fut l’auteur d’une hécatombe égale à celle de l’année 1870. La proportion régulière augmenta alors de 6 personnes par 1 000 —, de 22 à 28. — Il est vrai que l’épidémie en général ne choisit pas ses victimes, comme la balle ou l’obus, qui les prennent dans la force de l’âge.

Que vaut cependant, pour l’homme de 21 à 45 ans, une assurance qui disparaît au moment même où elle lui serait le plus précieuse ? Mais comment, répondent les assureurs, s’exposer aux pertes incalculables résultant d’un conflit qui amènerait sur le champ de bataille des milliers de soldats ? Désireuses de