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le cardinal à adopter pour son palais une nouvelle distribution.

Vasari ne précise pas l’époque à laquelle les travaux de restauration furent commencés, mais la lecture des pages qui suivent le passage rapporté plus haut permet de la conjecturer. « Pendant que la renom niée d’Antonio s’étendait au loin, il advint que la vieillesse et la maladie envoyèrent Bramante dans l’autre monde. Le pape Léon X lui donna comme successeur dans la construction de Saint-Pierre Raphaël d’Urbin, Giuliano da San-Gallo et Fra Giocondo de Vérone. Ce dernier quitta bientôt Rome et ne tarda pas à être suivi de Giuliano… Antonio pria alors avec instance son protecteur, le cardinal Farnese, de supplier le pape de lui accorder la place de son oncle Giuliano. Léon X accueillit celle demande avec faveur. »

Le texte de Vasari semble d’une précision qui ne laisse pas de place au doute. Aussi est-il étonnant de voir nombre ; d’écrivains qui ont abordé l’histoire de l’architecture à Rome s’accorder avec Letarouilly pour assigner aux premiers travaux du palais Farnese une date voisine de 1530. Une lecture attentive leur eût épargné cette erreur. On a, ce semble, une tendance trop marquée à négliger l’ouvrage de Vasari sous prétexte qu’il fourmille d’inexactitudes involontaires ou préméditées. Les défauts n’en peuvent effacer les qualités. Sans doute le peintre-écrivain traite parfois avec une présomptueuse légèreté des sujets sur lesquels il est insuffisamment renseigné. Trop souvent aussi il se laisse entraîner par d’injustifiables préventions à enfler sans mesure le mérite de ses amis, à ternir sans scrupule celui de ses adversaires. Mais quand il met en scène des personnages qu’il a connus, quand il rappelle des événemens qui se sont passés sous ses yeux et qu’il n’a aucun intérêt à travestir, ses assertions méritent d’être accueillies sinon aveuglément, tout au moins avec quelque déférence. Or chacun sait qu’il fut protégé par Paul III et qu’il vécut familièrement à la cour des Farnese. Il était impossible qu’il fût mal renseigné sur l’histoire artistique d’un palais qui touchait de si près à ses protecteurs et pour lequel il travailla lui-même, quoique d’une façon tout à fait insignifiante.

Or, pour que le cardinal Farnese intervînt auprès de Léon X comme le protecteur attitré de San Gallo, il fallait que celui-ci lui eût déjà donné des preuves éclatantes de son zèle et de son talent, et puisque la nomination d’Antonio en qualité d’aiutante de Raphaël porte la date du 22 novembre 1516, il s’ensuit que la restauration du palais Farnese fut entreprise à une époque sensiblement antérieure. Heureusement pour Vasari, son témoignage se trouve corroboré par des documens sur la valeur desquels