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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 131.djvu/480

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Si nos rapports sont bons avec l’Angleterre, en est-il de même avec l’Italie ? Oui, sans doute. On nous permettra de ne pas nous émouvoir beaucoup des attaques de la presse italienne contre la France, à propos de la dénonciation du traité de commerce italo-tunisien. Nos voisins d’au-delà des Alpes ont paru frappés d’une véritable stupéfaction en apprenant la dénonciation de ce traité : leur surprise aurait certainement été beaucoup plus vive, bien qu’ils se fussent sans doute abstenus de la manifester, si la dénonciation n’avait pas eu lieu. En réalité, elle était attendue et escomptée depuis fort longtemps. Le traité de commerce, qui règle les rapports de l’Italie et de la Tunisie, a été conclu en 1868 pour vingt-huit ans ; il arrive à son terme normal le 8 septembre de l’année prochaine ; il devait être dénoncé un an à l’avance, faute de quoi il se trouvait renouvelé par tacite reconduction. Sans examiner pour le moment toutes les questions de droit public dans lesquelles se complaît la subtilité des journaux italiens, n’est-il pas évident qu’un traité conclu il y a si longtemps déjà entre l’Italie et la Tunisie, ne saurait plus régir aujourd’hui les rapports de ces deux pays ? Quand même le protectorat de la France n’aurait pas été établi sur la Régence, il aurait fallu, après un aussi grand nombre d’années, réviser un traité qui ne pouvait plus correspondre à la situation actuelle. Il n’y a pas deux autres pays en Europe qui auraient échappé à cette même nécessité : à plus forte raison devait-elle s’imposer à deux pays, dont l’un est en Europe et l’autre en Afrique, et qui ont subi tous les deux des transformations extrêmement profondes. Et nous ne parlons pas seulement de transformations politiques, mais de transformations économiques. L’Italie d’aujourd’hui est-elle ce qu’elle était en 1868 ? Non, assurément, et c’est sa gloire : ses progrès sont immenses, ils frappent tous les yeux. Quant à la Tunisie, depuis quatorze ans qu’elle jouit du protectorat de la France, elle a marché à grands pas, et c’est notre honneur, dans la voie de la civilisation générale. Son commerce s’est considérablement accru : des intérêts nouveaux y sont nés ; les anciens ont changé parfois de nature, et toujours d’importance relative ; en un mot, tout a évolué dans le monde méditerranéen, et le simple bon sens devait conclure qu’à une situation aussi nouvelle il fallait un traité de commerce nouveau.

Sans aller chercher plus loin le motif qui nous a amenés à dénoncer l’arrangement de 1868, celui-ci n’est-il pas plus que suffisant pour expliquer notre détermination et pour la justifier ? Il n’y a eu là, de la part de la France protectrice de la Régence, ni un mauvais procédé, comme l’ont dit quelques journaux italiens, ni surtout un acte d’hostilité, comme l’ont prétendu certains autres, mais bien un acte de bonne administration et de bonne politique. La presse italienne est allée, à ce propos, jusqu’à mettre en cause le traité du Bardo et à soutenir que son