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autre appareil, mieux approprié à leur utilisation, et plus conforme aux théories nouvelles de la thermodynamique. Le transport à distance des forces naturelles par l’électricité a déjà détrôné la vapeur sur plus d’un point ; néanmoins il est incontestable que celle-ci dirige encore en souveraine la marche des chemins de fer, des navires, et de la plupart des industries. Jusqu’ici la reconnaissance que nous devons aux savans et aux ingénieurs qui ont créé la machine à vapeur, par la lente évolution de leurs réflexions et de leurs expériences, demeure justifiée dans toute son étendue.

Papin a joué un rôle capital dans cette création. Ce sont Salomon de Caus et Papin qui en ont signalé les idées maîtresses, à savoir l’application du ressort de la vapeur pour élever l’eau (1615); et surtout la construction d’une machine à feu, pourvue d’un piston, où la force élastique de la vapeur est combinée avec la propriété de cette vapeur de se condenser par le froid, en produisant un vide qui fait intervenir la pression atmosphérique. Or cette machine est décrite dans un mémoire latin, publié par Papin dans les Acta eruditorum, Lipsiæ, en 1690. Il a prévu en même temps et signalé les applications de sa machine à toutes sortes de travaux, et il a réalisé avec le concours de cette même machine le premier bateau à vapeur connu, bateau détruit par la ghilde des bateliers du Weser en septembre 1707. Quels qu’aient été les immenses progrès accomplis après les publications de Salomon de Caus et de Papin, d’abord par Savery et d’autres, et surtout par le puissant génie de Watt, et par celui des ingénieurs du XIXe siècle, c’est un devoir pour tout historien de la science de reconnaître les titres des premiers inventeurs ; alors surtout que leur existence, telle que celle de Papin, s’est écoulée dans l’agitation d’espérances sans cesse renouvelées et sans cesse déçues, et terminée au sein de l’abandon, de l’obscurité et de la misère.

J’ai été engagé à reprendre cette étude par la suite de mes recherches sur la science antique, sur sa transmission au moyen âge, sur l’invention des matières explosives, et sur les engins de mécanique et d’artillerie employés aux XIVe et XVe siècles. Mais la cause occasionnelle du présent article a été la publication intitulée : la Vie et les Ouvrages de Denis Papin, commencée en 1869 par de la Saussaye, et poursuivie récemment par M. de Belenet, officier d’infanterie. Quatre volumes ont déjà paru, quatre autres nous sont promis. Je crois remplir un devoir envers un zèle si méritoire, en présentant aux lecteurs de la Revue les fruits de mes réflexions sur la nouvelle publication.

Je retracerai d’abord le tableau des inventions multiples de Papin, afin d’en montrer le caractère général, tel qu’il fut et dut