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des brevets pris de nos jours, en excitant toujours les mêmes espérances, la même activité désordonnée des inventeurs, et les mêmes déceptions.

A Londres, vers 1707, il essaya, comme tant d’autres, de faire exploiter l’une de ses découvertes par une compagnie d’actionnaires; mais il ne trouva pas sur la place la confiance nécessaire.

J’ai dû faire ce récit des inventions perpétuelles de Papin, afin de bien faire connaître son caractère et l’origine de ses malheurs; mais il faudrait se garder de l’envisager comme un charlatan, dupe de sa folle imagination. Les esprits supérieurs d’alors, tels que Huygens et Leibnitz, ont déclaré plus d’une fois la valeur personnelle et le mérite de Papin. Leibnitz surtout, qui l’avait connu à Paris, alors que lui-même était pareillement aux débuts de sa carrière, ne cessait de l’encourager et essayait même de lui signaler des perfectionnemens, ainsi qu’on le voit dans sa correspondance. Il avait d’autant plus de mérite à le faire que Papin, irritable, impatient et obstiné, même dans ses erreurs, lui donne parfois occasion de se plaindre doucement de son ton et de son aigreur. Mais Leibnitz était une nature morale trop élevée pour ne pas passer par-dessus ces inégalités de caractère. Son amitié fut fidèle à Papin jusqu’au bout. Au milieu de ce flux d’idées et de projets sans cesse renouvelés, il n’est pas surprenant que Leibnitz n’ait réussi à intéresser ni le landgrave de Hesse, ni la Société Royale, à l’exécution des propositions vraiment géniales de Papin, telles que son bateau mû par la vapeur, le premier de cette espèce qui ait été construit. Les temps d’ailleurs n’étaient pas mûrs, ni la science ou l’art d’alors suffisans, pour amener à bonne fin cette ébauche d’une découverte qui a exigé plus d’un siècle d’efforts avant de parvenir à son accomplissement.

Aussi, malgré son génie et ses talens pratiques, Papin a-t-il vécu errant et agité, en butte aux inimitiés suscitées par ses prétentions et son caractère, victime douloureuse de sa propre imprévoyance. Sa seule consolation, s’il a pu les pressentir, a dû être sa confiance dans les jugemens de la postérité.


II. — LA BIOGRAPHIE

Le moment est venu de retracer brièvement le tableau de cette odyssée qui devait si tristement finir, avant d’exposer les idées maîtresses qui dirigèrent Papin dans les plus importantes de ses inventions, je veux dire celles relatives à la machine à vapeur.

Né à Blois, d’une famille protestante (22 avril 1647), il suivit dès l’âge de 17 ans les cours de la Faculté de médecine de l’Université