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Les artistes de l’Orient ne nous ont pas, tant s’en faut, révélé tous leurs secrets. Sans parler de leurs procédés industriels, nous ignorons, par exemple, les règles qui, pour eux, remplacent notre symétrie. On nous permettra de ne pas insister sur les manifestations du néo-bouddhisme : elles sont, jusqu’à présent, pure affaire de dilettantisme. Si cette religion d’ailleurs devait continuer chez nous ses progrès, c’est à l’Inde et non au Japon que nous irions demander des enseignemens.

En matière économique, l’action de l’Extrême-Orient peut avoir des conséquences bien plus graves. Nous avons dit comment les ouvriers japonais ou chinois pouvaient, en travaillant chez eux pour l’Europe, faire concurrence aux nôtres. Japon et Chine pourraient bien aussi nous envoyer un jour le trop-plein de leur population. Ces émigrations ont causé et causent encore de sérieux embarras à certains peuples. Les Chinois, travaillant à bas prix, étaient parvenus, en quelques années, à accaparer tous les petits métiers en Amérique et en Australie. Ces États, abdiquant, pour la circonstance, leurs théories humanitaires et libérales, leur ont brutalement fermé les portes. Que ferait l’Europe en face de cette invasion ? Ces questions que nous nous bornons à indiquer se posent plus pressantes de jour en jour. En leur qualité de néophytes, les Japonais ont une ardeur de prosélytisme qu’on soupçonne à peine. Ils n’aspirent à rien moins qu’à guider la Corée et peut-être même la Chine dans la voie qu’eux-mêmes ont suivie. Ce sentiment, qui n’a pas été étranger aux derniers événemens, se fera jour encore. Chaque siècle se présente ainsi avec son stock de problèmes inquiétans. Heureusement la nature humaine est assez souple et ses besoins assez multiples pour faire surgir presque toujours des solutions tout à fait inattendues.


G. APPERT.