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ne sommes pas encore à Tananarive? Nous avons perdu par suite de maladies quelques centaines d’hommes, un millier peut-être? Une incertitude pleine d’angoisse plane encore sur le résultat final? Qui aurait pu croire à de pareilles choses? Des fautes très graves ont été accumulées, oui sans doute, et cela est déplorable; mais il semble, à l’impression produite, qu’on s’attendait à n’en voir commettre aucune au cours d’une pareille campagne, et n’était-ce pas trop exiger?

Le 14 novembre de l’année dernière, nous rendions compte de la séance de la Chambre où M. le ministre des Affaires étrangères avait fait part au Parlement et au pays de la situation à Madagascar. La tentative de conciliation faite par M. Le Myre de Vilers avait été repoussée. Une sorte de panique s’était emparée de nos nationaux : ils avaient évacué l’intérieur de l’île pour gagner la côte et chercher quelque sécurité dans les villes du littoral, ou sur nos navires. Que faire? Fallait-il baisser la tête et accepter le fait accompli? Pouvions-nous renoncer, en un jour de défaillance, à une politique poursuivie pendant de longues années? Ni le gouvernement, ni la Chambre, ni le pays ne l’ont pensé. Il y avait, en ce moment, dans tous les organes de l’opinion, unanimité patriotique, et, malgré les inquiétudes que nous éprouvions dès cette époque, nous n’avons pas voulu la troubler. A la suite d’une longue série d’imprudences, la guerre était devenue inévitable. Il n’était plus temps de récriminer sur le passé; il fallait envisager avec sang-froid les obligations du moment présent. « L’attitude de la Chambre pendant le discours de M. le ministre des Affaires étrangères a été, disions-nous, très significative : elle a été silencieuse, recueillie, presque impassible. Le temps est passé où il suffisait de parler de Madagascar pour provoquer sur tous les bancs, depuis l’extrême droite jusqu’à l’extrême gauche, un entraînement auquel personne n’échappait. Depuis lors, on a pris des renseignemens, on s’est éclairé ; on a su qu’un tiers à peine de la grande île était utilement cultivable, que tout d’ailleurs y était à faire, qu’il n’y avait pas la moindre route, pas même de sentiers, et que la fièvre s’étendait comme un mur de défense sur presque toutes les côtes. Ceux qui croient et qui disent que Madagascar serait une colonie supérieure au Tonkin n’ont certainement consulté aucun de ceux qui en sont revenus. La vérité, et la Chambre en a le sentiment, est qu’il s’agit là d’une entreprise de longue haleine, sérieuse, coûteuse, qui demandera des efforts considérables, lesquels seront peut-être médiocrement rémunérés dans n’avenir. Des fautes nombreuses, commises depuis 1885, nous ont amenés peu à peu à la situation où nous sommes. Cette situation est d’autant plus grave que notre liberté de détermination est plus apparente que réelle... » Et nous concluions comme il suit : « Ce n’est rien moins qu’une simple promenade militaire que nous allons faire à Madagascar. Nous espérons que 15 000 hommes y suffiront; nous souhaitons