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Il est vrai que l’attitude de l’Autriche était particulièrement difficile dans cette circonstance, car, si l’Autriche est l’alliée de l’Italie, il s’en faut de beaucoup que la confiance des deux gouvernemens soit entière et porte sur tous les points. L’Autriche, assurément, a fait son deuil de ce qu’elle a perdu ; il n’entre pas dans sa pensée de reconquérir la Vénétie et la Lombardie ; mais elle a la prétention de garder toujours ce qu’elle a pu conserver jusqu’ici, c’est-à-dire Trente et Trieste, et il n’est pas un seul patriote italien qui n’ait l’espoir de les lui arracher un jour. L’alliance austro-italienne porte sur des intérêts européens très généraux et plus ou moins bien compris : elle s’arrête aux intérêts respectifs des deux pays. La révolution italienne est momentanément suspendue, elle n’est pas achevée : elle ne le sera que lorsque Trieste et Trente auront fait retour à la patrie antique et en auront complété l’unité. Il y a à Trente, et surtout à Trieste, une population italienne très ardente, dont les comités se rattachent à ceux de la péninsule, et, dans les uns pas plus que dans les autres, on ne renonce à rien. Les obligations qui résultent de la politique d’alliance mettent une sourdine à l’expression de ces sentimens, sans que l’intensité en soit diminuée. Des conspirations, des luttes à main armée ont eu lieu autrefois, et ont fait des martyrs dont le nom est resté dans les cœurs patriotes. N’était-il pas évident qu’une fête comme celle du 20 septembre, qui n’était autre chose que l’arrogante glorification de la révolution italienne, devait amener une fermentation violente dans ces élémens plus ou moins troubles, que la raison d’État peut comprimer, mais non pas les étouffer ? C’était jouer avec la poudre que de célébrer cette date. L’Autriche s’est abstenue ; nous allons voir à quelles manifestations on s’est livré contre elle ; mais si, faisant violence à ses sentimens, à ses instincts, elle avait cru devoir les subordonner à un intérêt politique supérieur et prendre part, quand même, aux réjouissances de Rome, il est infiniment probable qu’elle aurait été encore plus maltraitée. La prudence, en un tel jour, conseillait de ne pas montrer le drapeau autrichien.

À Trieste, la commémoration du 20 septembre avait été formellement interdite, et rien n’était plus naturel. En Italie, dès le premier jour, les comités révolutionnaires ont annoncé l’intention de célébrer la mémoire du triestin Venezian et d’installer son buste dans une niche sur la façade du Vascello, le casino qui, en 1849, été vivement disputé entre Français et Italiens. Ce sont des souvenirs bien lointains, et complètement effacés pour nous. La police avait interdit l’inauguration du buste de Venezian et fermé avec des planches la niche où on devait le placer. Il n’a été tenu aucun compte de ses ordres, et les planches qu’elle avait clouées contre la niche ont été violemment arrachées. Le buste de Venezian a été inauguré aux cris de : « À bas l’Autriche ! » pendant que le député Barzilaï, Triestin lui-même, prononçait