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Les fanfaronnades et les « gasconnades » gauloises ont souvent choqué les anciens. Il ne fallait pas trop se fier, remarque Michelet, à ces joyeux compagnons : ils ont aimé de bonne heure à gaber, comme on disait au moyen âge. La parole n’avait pour eux rien de sérieux. Ils promettaient, puis riaient, et tout était dit[1]. Parler, d’ailleurs, ne leur coûtait rien. Diseurs infatigables, on sait quelle affaire c’était, dans leurs assemblées, que de maintenir la parole à l’orateur au milieu des interruptions : « Il fallait, dit Michelet, qu’un homme chargé d’obtenir le silence marchât l’épée à la main sur l’interrupteur. » On reprochait aussi aux Gaulois leur amour de la raillerie grossière. Polyen raconte qu’un jour les Celtes d’Illyrie simulèrent une retraite précipitée en laissant dans le camp abandonné une multitude de mets purgatifs.

Sous le rapport de l’intelligence, les Gaulois avaient déjà vivacité, facilité, ingéniosité. César admire non seulement leur talent à imiter, mais aussi leur invention. Ils avaient d’ailleurs imaginé nombre d’objets utiles, bientôt adoptés par les autres nations : cottes de maille, tapis ornés, matelas, tamis de crin, tonneaux, etc. Tous les anciens, comme Strabon, déclarent les Gaulois très susceptibles de culture et d’instruction. Avec leur esprit souple et éveillé, ils avaient la curiosité universelle et l’universelle aptitude. La faculté d’assimilation chez ce peuple, est étonnante, jusqu’à être inquiétante. Dès qu’ils sont en contact avec les Grecs de Macédoine ou avec ceux de Marseille, ils adoptent l’alphabet grec, ils apprennent la culture de l’olivier et de la vigne, remplacent l’eau par le vin, le lait et la bière, frappent des pièces à l’imitation des monnaies de la Grèce, copient habilement les statues grecques, surtout les Hermès. La rapidité avec laquelle ils devaient s’initier à la civilisation romaine tient du prodige.

Au point de vue de la volonté, le premier trait et le plus saillant du caractère gaulois, d’après le portrait qu’en fait César, c’est cette impétuosité qui devait plus tard s’appeler la furia francese. Effet de la combinaison de trois races ardentes. L’autre trait, non moins connu, c’est la vaillance et le mépris de la mort, poussé jusqu’à un enivrement voisin de la folie : non paventi funera Galliæ. Les Gaulois jouent avec la mort, ils la provoquent : au milieu du combat, ils se dépouillent de leurs vêtemens et jettent leurs boucliers ; après le combat, ils déchirent souvent leurs plaies de leurs propres mains pour les agrandir et s’en faire gloire. Ne jamais reculer, voilà leur point d’honneur, et pour

  1. Michelet, Histoire de France.