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qu’il avait quelque objection à ce qu’il fût fait droit à leur requête. Ils rencontrèrent, à leur retour, Allen, et faisant allusion à ce qui venait de se passer à Parowan : « Le sort en est jeté, leur dit celui-ci : les émigrans sont condamnés, » et il ajouta que Lee avait reçu des chefs réunis à Parowan l’ordre de marcher avec la milice, que Joël White serait, sans doute, envoyé à la Pinto Creek pour transmettre la révocation de l’ordre donné précédemment, de laisser passer le convoi.

Trois jours plus tard, Klingensmith se trouvant avec quelques autres chez Mc Farlane, Haight entra et leur annonça que, d’après les nouvelles venues du camp la nuit précédente, les choses n’avaient pas marché ainsi qu’on l’espérait et que l’on demandait des renforts. Haight partit alors pour Parowan, afin de prendre des instructions; là, Dame lui commanda d’user de ruse pour déloger les émigrans et de n’épargner que les tout petits enfans. Le témoin se rendit lui-même à la ville, et devant la maison de Ira Allen, il entendit Higbee disant aux gens réunis en cet endroit : « Venez, vous êtes commandés pour marcher, armés et équipés conformément à la loi. » Il prit en conséquence son cheval et son fusil, et se mit en route avec Charley Hopkins, Higbee, Willis, Sam Mc Murdy et d’autres encore. La petite troupe atteignit à la nuit le ranch de Hamblin; elle y trouva Lee avec quelques hommes. Lee appela Klingensmith, lui montra une lettre renfermant, prétendait-il, des ordres venus de Parowan, lui expliqua que les émigrans étaient si solidement fortifiés que ce ne serait que par un stratagème qu’on pourrait en avoir raison et ajouta qu’il s’en chargeait. On se mit en marche vers le cours d’eau près duquel étaient campés les Indiens et la milice venue du comté de Washington. Arrivé là, Lee fit former le cercle à la troupe et lui adressa quelques mots. Klingensmith cita les noms de plusieurs des hommes présens, entre autres celui d’un individu nommé Slade qui se tenait avec lui en dehors du cercle. Ils échangèrent leur opinion sur le massacre qui se préparait ; tous deux s’accordaient à dire que ce serait un crime épouvantable, mais qu’il n’y avait aucun moyen pour eux de se soustraire à l’obligation d’y prendre part.

Klingensmith fit ensuite, avec une profusion de détails, un récit terrifiant du carnage, récit fréquemment interrompu par les murmures de l’auditoire; puis le témoin, continuant sa déposition, dit qu’ayant reçu l’ordre de s’occuper des enfans, il se rendit à l’endroit où se trouvaient les chariots; il fit une description sommaire de l’horrible spectacle qui s’était présenté à sa vue, et avoua qu’il eut hâte de s’y dérober en emmenant les malheureux orphelins, dont quelques-uns étaient blessés. Il ne revit