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faire des mocassins et qu’ayant fini par donner quelques peaux d’antilopes en échange, ils s’étaient mis en devoir de dépouiller l’animal. Baskin fit observer au témoin, que, sans appuyer sur ce qu’il y avait d’étrange à ce qu’il se fût trouvé des acquéreurs pour un objet qui allait évidemment être abandonné sur place, il était surpris que, malgré qu’il partît, selon son dire, justement au moment où le médecin allemand venait de verser le contenu de sa fiole, il eût pu voir le marché se conclure et les Peaux-Rouges dépouiller le bœuf. Ainsi mis au pied du mur, Hoops prétendit qu’un accident étant survenu au harnais de l’un des chevaux de la voiture qu’il conduisait, son départ s’était trouvé retardé d’une demi-heure, mais quand on lui demanda quelle était la partie du harnais qu’il avait fallu réparer, pris à l’improviste, il se troubla, et de question en question, on arriva, au grand dommage de la défense, à la démonstration que le témoignage d’Elisha Hoops avait été acheté.

La déposition de Brigham Young mérite d’être rapportée dans ses parties essentielles. « Son âge : 75 ans ; malade depuis quelque temps déjà, l’état de sa santé lui interdisait de se rendre à Beaver. En 1857, il était gouverneur du Territoire, — par suite, surintendant des Affaires indiennes, — et président de l’Eglise de J.-C. des Saints du dernier jour. Toute communication régulière entre l’Utah et les États-Unis avait été interrompue par le gouvernement fédéral qui avait, en outre, envoyé des troupes, dans le dessein avéré de détruire le mormonisme. Autant que ses souvenirs lui permettaient de l’affirmer, il n’y avait plus dans le Territoire, de juge des États-Unis. Il avait entendu vaguement parler, vers la fin de l’été, du passage d’un convoi venant de l’Arkansas, se rendant en Californie ; mais il n’avait jamais su que les émigrans eussent été mis en demeure de s’éloigner de Salt Lake City et, en tout cas, il n’avait jamais donné d’ordre à cet effet. Il n’avait pas été interdit aux habitans de céder du grain aux émigrans pour leur nourriture personnelle, mais ils avaient été avisés de ne pas leur en vendre pour leur bétail, parce qu’en prévision des événemens qui se préparaient, il était nécessaire de veiller à ce que le pays fût largement approvisionné. Il n’avait appris la destruction du convoi que quelque temps après le massacre et seulement par de vagues rumeurs. Deux mois plus tard, Lee vint le trouver à son cabinet, pour l’entretenir des Indiens qui s’agitaient et menaçaient les établissemens des blancs; l’évêque lui par la alors du massacre, mais dès les premiers mots il l’arrêta : ce qu’il avait appris par la rumeur publique lui suffisait ; il reculait devant le sentiment de l’impression pénible que n’auraient pas manqué d’éveiller chez lui les détails qu’il soupçonnait. Philipp Klingensmith ne se trouvait