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Poudoucottah, dont je vais parler, est le chef reconnu de cette caste, qui ne laisse pas d’être assez redoutée. Comme la plupart des autochtones du sud, ce sont des hommes de petite taille, aux traits fins et réguliers, mais à la peau très noire. Ils se disent çivaïstes ; en réalité ils seraient les fervens adorateurs des démons et des génies. Ils enterrent leurs morts généralement et se marient sans avoir aucun égard aux plus proches degrés de parenté. Il en est même qui, à l’instar des Nairs, pratiquent la polyandrie, en souvenir sans doute de la belle Draupadi qui fut en même temps l’épouse du vaillant Arjuna et de ses quatre frères. Avec le temps, les mœurs des Callars se sont un peu modifiées. On a commencé par en faire des soldats et des agens de police, puis on les a incités à devenir des agriculteurs et des propriétaires. Ils ont ainsi peu à peu cessé d’être la terreur des villages paisibles qu’ils avaient l’habitude autrefois de mettre au pillage. Ils n’ont point cependant perdu toute habileté professionnelle, et il est prudent de prendre ses précautions quand on traverse les territoires où ils sont en majorité. Le docteur avait, à ses dépens, fait l’expérience de leur dextérité et c’est en vain qu’il avait lancé la police anglaise à la recherche de ses voleurs.

A quelque temps de là on vint m’annoncer l’arrivée prochaine à Pondichéry de Sa Hautesse Sri Brahadambal Das Rajah Vijaya Rai Marthanda Bhairava Tondiman, Bahadour, le propre rajah de Poudoucottah, le pays des Callars. Un notable de la ville, mon ami Cou-Latchoumanasamychettyar, mit à la disposition du prince une petite villa entourée d’un jardin où l’on fit quelques aménagemens indispensables, et j’avertis le docteur, qui prit galamment son parti d’être présenté à ce souverain des pick-pockets.

Sri Brahadambal Tondiman est un gros garçon joufflu de quinze ou seize ans qui a fait ses classes au collège de Madras et qui en est sorti avec un diplôme qui correspond à notre certificat d’études. Il a deux tuteurs, l’un dans la personne du collecteur de Trichinopoly et l’autre dans celle de son dewan ou ministre. Le jeune rajah était vêtu d’un uniforme de fantaisie où dominaient le rouge et l’or; il portait un sabre recourbé d’un beau travail et ne paraissait pas trop gêné dans ses attitudes. Il s’exprimait bien en anglais, avec l’accent particulier aux Hindous, et se montra très aimable pour tous ceux qui l’entretinrent. Nous n’échangeâmes d’ailleurs, sous l’œil vigilant du ministre, que des banalités.

Je lui rendis sa visite le jour même, dans la villa de Cou-Latchoumansamychettyar, où il me reçut entouré de quatre gardes tout de rouge habillés. Son armée, il est temps de le dire, se compose de cent vingt-six hommes d’infanterie et d’un peloton de