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cérémonie, le peintre la divisait en plusieurs actes, dont chacun était représenté séparément. Il y avait l’exposition du corps, la prothésis : on le montrait étendu, la face découverte, sur un lit autour duquel parens et amis gémissaient et s’arrachaient les cheveux. Il y avait le transport au cimetière, l’ecphora : le lit, chargé de son fardeau funèbre, était posé sur un char que traînaient des chevaux conduits à la main par des hommes qui marchaient devant eux : derrière, venaient les pleureuses, les proches et les amis. Peut-être y avait-il aussi des jeux funéraires. On se demande si, dans les défilés de chars qui sont représentés sur ces vases, il ne faut pas voir une préparation à des courses qui auraient eu lieu après la mise en terre du cadavre.

Les vases qui nous fournissent ces renseignemens précieux avaient encore une autre destination, que révèle une particularité singulière : ils n’ont pas de fond, ou le fond en est percé. Ce fond, l’aurait-on supprimé pour faire une économie de travail ? Ce n’est pas vraisemblable, étant donnée la maîtrise des ouvriers qui façonnaient couramment des pièces de celle taille. S’ils ont pris ce parti, c’est pour des motifs d’un autre ordre. La disposition de la tombe du Dipylon implique le culte des morts, culte dont l’un des rites les plus importans était celui de la libation nourricière. Dans des fosses, à parois murées, que l’on a découvertes à Tirynthe et à Mycènes, on a reconnu des puisards où ont jadis été versés le sang des victimes, le vin et le lait. Au fond, rien que de la terre meuble, que traversaient aisément, pour arriver à leur adresse, les liquides destinés à l’alimentation du mort. Les premiers vases qui furent placés au-dessus des caveaux mortuaires ont dû l’être pour remplacer ces cuvettes maçonnées. Au lieu de répandre au hasard la libation sur le sol, on la faisait ainsi couler dans un récipient que l’on savait placé au-dessus même du cadavre ; c’était là le canal par lequel les vivans communiquaient avec leurs morts. La jarre la plus grossière suffisait à remplir cet office ; mais, une fois que le vase fut là, planté dans le cimetière, l’idée ne dut pas tarder à venir de l’utiliser à d’autres fins. En l’agrandissant et le décorant, on en fit l’enseigne du tombeau, le témoin qui attestait l’illustration du défunt et l’hommage suprême que lui avaient rendu la famille et la cité.

Si la tombe, tout en continuant à se rattacher au type qu’avaient créé les premiers pères de la race, n’a pourtant pas, au Céramique d’Athènes, la même ampleur qu’à Orchomène et à Mycènes ; si elle ne comporte plus ni façades richement décorées, ni dômes majestueux, ni même grottes profondes découpées dans l’épaisseur du tuf, on peut indiquer deux raisons de cette différence. La