pas senti la force féconde et la captivante douceur ; ce que l’un sait théoriquement, il le convertit en exercices pratiques ; l’autre s’essaie à ces exercices et les retient dans sa mémoire ; les connaissances de l’officier deviennent de la sorte les habitudes du soldat. Tout ce qui ne peut se convertir dans ces habitudes est de trop dans ces connaissances ; et s’il s’agit d’étudier la tactique par exemple, on devra s’en tenir à « savoir où et quand il faut employer la balle ou la baïonnette ; où, quand, et comment il faut former sa troupe. » Il suffirait de généraliser ce précepte de Dragomirow pour en faire une belle règle de morale positive, ou plutôt de philosophie profonde, et ce serait la limitation de la culture individuelle aux intérêts de la communauté, l’acte social utile donné comme but aux spéculations des intellectuels. Accomplie conformément à cette règle, qui ne voit que la fonction de l’officier est non seulement sociale, mais absolument et purement sociale ?
Avec la même prudence positiviste, Dragomirow établit son programme général d’enseignement. Les lignes principales d’après lesquelles il le dessine sont à peu près les suivantes : Rompre la théorie de la guerre en exemples pratiques de moins en moins larges, de plus en plus simples, mais toujours accommodés aux besoins d’un ensemble et participant d’une nécessité générale ; arrêter ce fractionnement aux actes qui ressortissent à l’énergie, et, dans une certaine mesure, à l’initiative de l’homme de troupe ; prenant alors ces actes pour premiers élémens de l’instruction, les démontrer à cet homme ; de là, l’élever progressivement jusqu’aux actions collectives dont chacune, suivant son degré de complexité croissante, marque une phase de cette éducation graduée. Avec des recrues, faire des soldats ; avec des soldats instruits, composer une troupe ; avec des troupes assouplies dans tous les exercices qui leur sont propres, former des unités tactiques prêtes pour une action combinée des trois armes sur le champ de bataille ; voilà les principales de ces phases ; on les dénomme, dans le langage professionnel, instruction individuelle, instruction et ensemble, instruction tactique.
Nous verrons comme le soldat qui passe de l’une à l’autre exerce des facultés et gagne des qualités nouvelles, enfin comme il franchit un degré.dans une certaine ascension mentale ; mais cette triple division du travail militaire se fonde aussi sur la nature des choses. En effet, pour un soldat isolé, le seul intérêt en jeu est la conservation de son propre individu ; pour une troupe, c’est celle de la collectivité qu’elle compose soit seule, soit en liaison avec d’autres troupes ; à ces lins différentes s’ajustent des