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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 132.djvu/234

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Habert et de M. Rouanet. Chacun de ces députés en avait rédigé un ; mais, à la lecture, ils se sont aperçus qu’ils se complétaient fort bien, et M. Rouanet a demandé que son texte fût joint à celui de son collègue. On est arrivé ainsi à la rédaction suivante : « La Chambre, considérant qu’il importe d’interdire aux membres du Parlement de participer à des syndicats financiers, » — ceci est l’œuvre de M. Marcel Habert, — « et résolue à faire la lumière complète sur l’affaire des chemins de fer du Sud, invite le ministre de la justice à poursuivre toutes les responsabilités. » Ce dernier membre de phrase est de M. Rouanet. Sur le premier, aucune opposition ne s’est manifestée dans la Chambre, ni dans le gouvernement ; ce qui ne veut pas dire qu’il soit clair, ni qu’il puisse devenir tel quel un texte de loi ; mais il indique une tendance, il exprime un vœu auquel la Chambre presque tout entière a voulu s’associer. Il n’en était pas de même de l’addition de M. Rouanet. Comment le ministère aurait-il pu l’accepter ? Il aurait reconnu par là n’avoir pas fait toute la lumière, n’avoir pas poursuivi déjà toutes les responsabilités. Il se serait donné un démenti et infligé un blâme à lui-même. M. Ribot, président du Conseil, est monté à la tribune pour déclarer qu’il repoussait cette seconde partie de l’ordre du jour. Mais pourquoi ne l’a-t-il pas fait avec plus de force ? Pourquoi n’a-t-il pas posé plus nettement la question de confiance ? Le ministère a paru fatigué, un peu découragé, peut-être dégoûté : il s’est abandonné lui-même. Peut-être aussi n’a-t-il pas bien calculé la force de pénétration et d’entraînement qu’ont toujours sur une Chambre, même lorsqu’elles sont employées mal à propos, les expressions que M. Rouanet avait données comme sauf-conduit à son ordre du jour. Que demandait-il, en effet ? Qu’on fît plus de lumière, et n’est-ce pas toujours chose à dire ? Quoi encore ? Qu’on poursuivît toutes les responsabilités, et n’est-ce pas toujours chose à faire ? Le malheureux député d’arrondissement, soucieux avant tout des conversations de son village, s’est demandé s’il pouvait repousser ces formules honnêtes et vagues, adéquates à tant d’esprits. Le soupçon, ce poids menaçant et terrible qui plane déjà sur tant de têtes, ne s’appesantirait-il pas sur la sienne ? S’il votait pour le gouvernement, pour un gouvernement déjà ébranlé, entamé, peu sûr de son lendemain, trouverait-il en lui un appui plus solide que celui qu’il lui donnerait ? La question qui était posée est de celles qui ne laissent pas une assemblée dans son sang-froid. Il s’agissait pour chacun de la vertu des autres, excellente occasion de montrer la délicatesse intransigeante de la sienne propre. Cela coûte si peu cher. Cela ne coûte, en effet, qu’un ministère. Hélas ! que j’en ai vu mourir, de ministères ! N’est-ce pas le destin ?

Cette fois pourtant, l’accident dépasse la portée ordinaire. Bien que sa politique ne se soit jamais nettement dessinée, — ce qui était impossible de la part d’un gouvernement de concentration, combinaison