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armées. Toute cette organisation était fort habilement entendue, et il n’est pas douteux que l’Empire n’en ait tiré de très grands avantages.

Mais elle ne profitait pas aux particuliers. Le gouvernement se l’était entièrement réservée et n’en donnait l’usage à personne. L’empereur remettait à quelques grands fonctionnaires un certain nombre de ces autorisations qu’on appelait diplomata, et qui donnaient le droit de voyager en poste, mais ils ne devaient en user que pour le service de l’Etat. Pline, gouverneur de la Cilicie, s’excuse très humblement à Trajan d’en avoir disposé en faveur de sa femme qui venait d’apprendre la mort de son grand-père et avait besoin de retourner sans retard à Rome. Il était donc très difficile aux particuliers, auxquels la poste était formellement interdite, et même aux fonctionnaires, qui ne pouvaient s’en servir que dans certaines conditions, d’être exactement renseignés des nouvelles politiques. Ils ne pouvaient les connaître que par des correspondans souvent mal informés eux-mêmes et qui avaient la plus grande peine à leur faire parvenir leurs informations. Et pourtant la plupart de ces personnages, quand ils étaient loin de Rome, éprouvaient le plus vif désir et même le plus grand besoin de savoir ce qui s’y passait. On va voir que ce besoin, qui n’était pas satisfait, fut une des raisons qui, vers la fin de la République, fit naître les journaux.


IV

Le journal n’a pas été créé tout d’un coup à Rome ; il ne s’y est pas trouvé un homme, comme Théophraste Renaudot chez nous, qui en ait compris d’avance l’utilité et qui, sans hésitation, sans tâtonnement, l’ait donné au public à peu près sous sa forme définitive : il y est né presque par hasard, et il est sorti d’une réforme qui avait été entreprise dans une tout autre intention. L’histoire mérite d’être racontée.

En l’an de Rome 695 (59 avant Jésus-Christ), César fut nommé consul. Il arrivait au pouvoir avec la pensée bien arrêtée de nuire autant qu’il le pourrait au parti aristocratique, et, sous prétexte de servir la démocratie, de préparer l’Empire. « Un de ses premiers actes, dit Suétone, fut d’établir que les procès-verbaux des assemblées du sénat, comme de celles du peuple, seraient tous les jours rédigés et publiés : Instituit ut tam senatus quam populi diurna acta confierent et publicarentur. » Les assemblées du peuple se tenaient sur le forum ; tout le monde y pouvait assister, et c’est peut-être parce qu’il ne s’y passait rien de secret qu’on n’avait pas éprouvé le besoin jusque-là d’en rédiger et d’en publier les