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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 132.djvu/383

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dernier la gare de Soukharras encombrée de wagons qui portaient en grosses lettres Constantine Phosphate C° limited. Ce sont des Anglais qui ont obtenu ces concessions de phosphates dans notre Algérie ; aussitôt c’est une clameur universelle ; les concessions doivent être viciées ; il faut faire une enquête et les casser. En vérité, si c’est là le moyen que vous avez de développer les ressources des colonies françaises, il est d’un heureux choix !

Pourquoi, je vous prie, ne sont-ce pas les Français qui ont obtenu les concessions des phosphates de la province de Constantine ? Comment, nous occupons l’Algérie depuis soixante-cinq ans ; un chemin de fer est établi à Soukharras, voisin des phosphates, depuis une douzaine d’années au moins ; un autre petit chemin de fer relie, depuis six à sept ans, Soukharras à Tébessa, centre des gisemens de phosphates ; nous possédons le corps le plus remarquable qui soit, au point de vue théorique, d’ingénieurs des mines et d’ingénieurs des ponts et chaussées ; toute cette contrée de Soukharras et de Tébessa est complètement connue, pleine d’allans et venans, et il faut que ce soient des Anglais qui viennent nous révéler qu’il y a là des richesses prodigieuses. Ils ont obtenu du préfet les concessions, et l’on argue de quelques vices de forme pour les leur contester. Notez que, aux mains d’Anglais ou de Français, ces phosphates seront toujours pour le pays même une source de grande richesse, que le seul trafic des chemins de fer de Tébessa à Soukharras et de Soukharras à Bône va s’en trouver accru de plus de deux millions de francs par an, et la garantie d’intérêt de l’Etat en être allégée de un million à un million et demi annuellement. N’importe, on a, paraît-il, trouvé je ne sais quel défaut dans les concessions ; en attendant l’exploitation est en partie arrêtée et les recettes des chemins de fer qui aboutissent aux centres phosphatiers a baissé d’un bon tiers.

Nous voudrions, quant à nous, que notre administration coloniale se signalât par une plus stricte et plus scrupuleuse bonne foi, aussi bien vis-à-vis des étrangers que des Français ; ce serait le moyen de donner à nos colonies un grand essor. Il est un souhait aussi que nous formons, c’est que nos admirables corps des ingénieurs des mines et des ponts et chaussées s’imprègnent, dans les colonies tout au moins, d’un esprit un peu plus investigateur et plus pratique. Cette affaire des phosphates de Tébessa est assez désagréable pour nous ; de même, il est regrettable, lorsqu’il se fait quelque immense découverte pratique, comme celle des mines d’or du Transvaal ou de l’Australie de l’Ouest, que ce soient des ingénieurs américains ou allemands, MM. Hamilton Smith