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lessiveur par un long réseau de serpentins. Ainsi s’opère la cuisson du bois ; les gommes naturelles qui soudent entre elles les tibrilles se dissolvent, et la cellulose isolée reste à l’état pratiquement pur.

Le gaz sulfureux, qui, sous l’influence de la chaleur, s’est en partie séparé de la chaux, est alors renvoyé dans sa tour, et dans le lessiveur à moitié refroidi, des hommes munis de lances en caoutchouc lavent la pâte à grande eau, pour la débarrasser des dernières traces d’acide, des résines et d’un sel de chaux insoluble qui s’est formé pendant l’opération. Diluée par cette masse d’eau, la pâte s’écoule lentement dans de vastes citernes, où tournent des croisillons à hélice, les agitateurs, chargés de réduire en bouillie les gros copeaux qui conservaient l’apparence du bois. Après avoir passé par les épurateurs dont les uns, dits sabliers, sont de longs conduits de bois où se déposent les matières lourdes, dont les autres, appelés sasseurs, consistent en caisses à fond mobile, percé de petits trous qui retiennent les incuits, la pâte est égouttée dans des tamis coniques. Elle ressemble désormais à du chiffon défilé et peut être employée telle quelle dans bien des papiers comme le journal, le bulle, les couleurs.

Pour les sortes plus fines la cellulose de sapin doit être blanchie ; une invention récente, très curieuse, due à M. Hermite, permet d’exécuter ce travail à l’électricité. On décompose, par un courant électrique, le chlorure de magnésium en magnésie et en chlore. Aussitôt libre, ce dernier blanchit énergiquement la pâte de bois avec laquelle il est en contact ; mais, par le fait même de cette opération, il se transforme en acide chlorhydrique, et, comme tel, s’unit de nouveau avec la magnésie pour reconstituer le chlorure de magnésium primitif. Cette suite de combinaisons chimiques, par lesquelles un produit coûteux renaît en quelque sorte de ses cendres, prêta rendre indéfiniment de nouveaux services, est d’un grand avantage, à la condition d’obtenir l’électricité à peu de frais.

En France, la dépense du charbon nécessaire pour actionner les dynamos dépassant l’économie réalisée sur le chlore, le procédé n’est guère en usage. Pour en tirer parti, MM. Darblay sont allés en Autriche, au cœur des forêts du Tyrol, fonder à 500 mètres d’altitude une usine qui brasse annuellement 50 000 stères des sapins dont cette contrée, où ils pullulent, ne savait plus que faire, depuis que la métallurgie abandonne le bois pour le coke. Nos compatriotes ont trouvé là des forces gratuites, les chutes d’eau, qu’ils chargent de faire mouvoir des turbines de plus de 300 chevaux hydrauliques. Cet embrigadement des torrens n’est pas chose nouvelle en papeterie. La vallée du Grésivaudan où