dont les travaux sont dirigés par des magistrats. La première de ces commissions fait une liste préparatoire, qui sert à la seconde pour composer la liste annuelle. Les membres de ces commissions ont été choisis par le législateur avec un soin extrême. Il s’agissait, en 1872, de substituer, dans le choix du jury, à « l’arbitraire des préfets » « l’action indépendante » de la magistrature. Est-ce que cela a bien changé les choses ? J’ai comparé aux listes actuelles des listes du jury impérial. La différence n’est pas grande. Ce sont toujours, dans tel quartier, les mêmes gens qu’on appelle à la gloire peu recherchée d’une magistrature temporaire. Cela prouve au moins que les lois et les commissions qu’elles instituent, fussent-elles présidées par des juges de paix au lieu de l’être par des conseillers de préfecture, ont de la peine à déranger certaines habitudes.
Dans notre cas, on imagine bien que sous tous les régimes, après les beaux discours, libéraux ou autoritaires, qui amènent des modifications aux lois sur le recrutement du jury, il faut arriver à ceci : que dans chaque arrondissement parisien, c’est toujours le même homme, quelque employé de mairie obscur, mais sachant son monde, qui désigne en fait les jurés. J’entends bien que les commissions, loin d’abdiquer entre les mains d’un subalterne, remplissent leur devoir avec le plus grand zèle ; mais comment ce juge au tribunal pourrait-il deviner les aptitudes judiciaires de l’épicier du coin ou du marchand de charbon ? Il faut quelqu’un qui le renseigne, et ce sera toujours cet employé obscur dont nous avons parlé. Comment cet anonyme, ce « sergent recruteur » du jury, compose-t-il, en fait, la liste annuelle ?
Pour répondre à cette question avec la plus complète exactitude, nous avons voulu faire un travail de pointage sur 1 500 noms, représentant la moitié de la liste des jurés titulaires dans une année toute récente. Ces 1 500 jurés, au point de vue des professions, se décomposent de la manière suivante :
Négocians ou fabricans, et commis ou employés de commerce | 849 |
Propriétaires ou rentiers | 281 |
Ingénieurs, professeurs, avocats, fonctionnaires et membres de diverses professions libérales | 174 |
Vétérinaires, médecins ou pharmaciens | 53 |
Architectes | 57 |
Retraités | 64 |
Artistes | 22 |
Total | 1 500 |
De tels chiffres on peut tirer immédiatement quelques