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machines à vapeur dont les bras, les leviers et les pistons jouent sans bruit avec une puissance énorme, transmettant au loin la force dans tous les ateliers d’une usine. Nous aurions beaucoup Éprendre dans leur expérience séculaire. Nous pourrions montrer également l’œuvre des partis en Allemagne, et il serait facile de tirer du rapprochement de tous ces peuples des exemples qui seraient une leçon. Mais, en France, nous avons horreur des enseignemens qui nous viennent de l’étranger. Notre orgueil souffre, et plutôt que d’imiter ce qui est bien chez nos voisins, nous nous plaisons à dire, pour clore la bouche aux dormeurs de conseils : « Nous ne sommes ni Anglais ni Belges ! » vérité irréfutable qui met fin au sermon. Ne parlons donc pas de l’étranger. La hardiesse active de nos adversaires nous présente cette fois un modèle qui nous suffit : c’est en France, c’est le parti socialiste qui nous l’offrira.

Des groupes locaux, tantôt un syndicat, tantôt des fédérations rassemblant plusieurs syndicats, représentent une ville ou un département. L’uniformité est bannie de cette organisation, qui varie suivant le nombre et l’activité des adhérens en chaque localité. Environ 600 groupes existent en France, comprenant 250 villes. Chacun vit de son existence propre, ne relevant que d’un pouvoir supérieur, qui s’intitule « Conseil national du parti ouvrier français. » Entre le Conseil national et les groupes ou syndicats, les relations ne semblent pas très fréquentes, puisqu’en quatre mois le secrétaire s’applaudit d’avoir échangé 2 948 lettres ou télégrammes, ce qui comporte une douzaine de lettres par jour en chaque sens, total assez maigre, on l’avouera, pour le gouvernement d’un parti qui compterait 600 groupes. En revanche, 500 conférences de propagande ont été faites, dans 212 villes, par 7 membres du Conseil national ; M. Guesde et chacun de ses amis ont fait en moyenne 71 conférences, soit environ 6 par mois. Ce chiffre ne s’appliquant qu’aux conférences faites par les membres du Conseil, est publié pour accroître leur prestige : aussi n’a-t-on pas essayé de rapprocher de leur œuvre celle de leurs auxiliaires. Quel est celui d’entre nous qui, circulant dans les communes des environs de Paris ou bien dans les régions agitées comme les agglomérations du Nord, n’a vu de petites affiches rouges annonçant des conférences ? Ces réunions, assez souvent périodiques, sont en tous cas très fréquentes ; elles constituent sur plus d’un point des cours réguliers de socialisme ; elles ont lieu sur l’initiative d’un groupe, et généralement elles servent à former dans une commune voisine un centre qui, après la série des conférences, acquerra son autonomie. On peut donc évaluer, sans exagération, à plusieurs milliers les séances tenues dans les villes et villages.