ceux-ci une rage bien difficile à détruire et qui n’attend que le moment de l’explosion pour s’exhaler… Il est impossible de s’allier avec les passions, avides ou factieuses, corrompues ou féroces, que l’on voit de tous les côtés… — 1821. A la Chambre des députés, c’est une averse de fureurs, et chacun dit que cela ne peut pas durer, et qu’il ne faut qu’un mot pour transformer la guerre de paroles en une guerre de faits… — 1822. Notre gouvernement ne va ni à l’âme ni au cœur de personne, et les opposans non plus…
Voilà des vues bien noires et des mots bien forts. Les sages y trouveront deux consolations — Eh quoi ! la Restauration, on nous l’avait toujours enseigné, fut l’âge d’or du régime parlementaire ; cet arbuste d’acclimatation difficile donna ses meilleurs fruits durant ces courts instans. Une personne délicate le regarde croître : du premier coup, elle épuise le vocabulaire pour flétrir la jeune floraison qu’on oppose à notre pourriture. « Haines, rage, averse de fureurs, passions corrompues ou féroces… » Quels mots emploierons-nous donc, nous qui sommes certains d’assister à l’abomination de la désolation ? Les gens d’autrefois, dont on nous proposait l’exemple comme un reproche, nous disputeraient-ils le privilège de voir les plus vilaines choses du monde ? Déjà, avant le régime parlementaire, un duc de Saint-Simon violentait la langue pour dire toute son horreur devant les manœuvres de l’Œil-de-Bœuf ; un Voltaire qualifiait des mêmes termes les parlemens, les anciens ; bref, l’homme de tous les temps flatte son orgueil secret en se persuadant qu’il touche le fond des calamités humaines. Ne décourageons pas nos neveux, qui auront même prétention à leur tour ; laissons-leur quelques ressources intactes dans le dictionnaire pour stigmatiser des maux qu’ils croiront sans précédent.
Seconde consolation : les parlementaires de 1820, les doctrinaires tout au moins, étaient plus malheureux que nous en un point. La politique les poursuivait et ils la poursuivaient partout, dans les salons, dans les boudoirs, dans les lettres d’une amie. Ils avaient leur vice plus profondément chevillé dans le cœur. De nos jours, quand les ouvriers de ce service public ont fait leur besogne quotidienne et retiré leurs bottes professionnelles, il est très rare qu’on les entretienne de leur pénible métier dans les maisons où ils sont reçus ; s’ils s’avisaient d’en parler eux-mêmes, autrement qu’en passant, on leur en témoignerait quelque ennui ; ils se feraient vite rappeler au respect des convenances par la maîtresse de maison. C’est un gain positif que nous devons au progrès des mœurs.
On serait porté à croire que le mouvement littéraire de la