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Chambres ; d’indiquer, enfin, les élémens d’augmentation ou de diminution dans les dépenses qui peuvent nous inquiéter ou nous rassurer sur l’avenir.

Deux motifs rendent plus particulièrement nécessaire d’insister souvent sur ces divers points. Le premier, c’est qu’en matière de chemins de fer, la plupart des dépenses n’apparaissent au budget que tardivement, sous la forme de dettes, contre lesquelles on peut bien récriminer, mais qu’il n’en faut pas moins payer à l’échéance, à moins de faire banqueroute. Les mesures d’économie ou de prudence financière ne trouvent donc point l’appui de cette nécessité immédiate, qui résulte de l’obligation d’établir l’équilibre de chaque budget, au moins sur le papier. La loi de finances de chaque exercice contient, sans doute, divers articles qui règlent le maximum des travaux neufs à faire et des engagemens à prendre dans l’année pour des lignes nouvelles. Mais ces travaux et ces engagemens ne se traduisent par des crédits à inscrire que dans les budgets ultérieurs. C’est ce qui explique comment la Commission du budget, même dans les années où elle montrait le plus d’ardeur à rechercher des économies, n’a presque jamais pris l’initiative de réductions effectives sur ces maxima, et ne les a diminués que quand le gouvernement le lui a proposé.

La seconde raison qui rend l’économie particulièrement difficile dans les questions de chemins de fer, c’est qu’une fraction considérable des charges budgétaires se présente sous la forme de garanties d’intérêts allouées à des compagnies concessionnaires. Il en résulte que, pour réduire le fardeau des contribuables, il faut travailler à diminuer les dépenses et à augmenter les recettes de ces compagnies. Or c’est là une tâche singulièrement difficile à remplir aujourd’hui, pour les représentans et les agens de l’Etat. Dans les luttes qu’ils soutiennent contre les causes incessantes d’accroissement de la garantie, ils ne peuvent défendre les intérêts du Trésor sans défendre, en même temps, ceux des compagnies à qui l’État s’est associé. Comme c’est avec les compagnies seules que le public est directement en contact, c’est trop souvent leur cause que l’administration paraît soutenir, quand en réalité elle n’est préoccupée que des finances publiques. Il faut singulièrement de courage à un ministre, pour ne pas reculer devant l’idée d’être systématiquement traité de suppôt des compagnies et de protecteur de la féodalité financière.

Nous apercevons déjà ici les deux faits caractéristiques qui dominent les rapports des chemins de fer et du budget. L’un constitue un élément constant d’augmentation progressive des