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la Confession, l’Ane mort et la Femme guillotinée ; enfin le comte de Pastoret, publiant chez l’éditeur en vogue ses esquisses du temps de la Ligue : Raoul de Pellevé, adressait cette recommandation capitale à Renduel : « Vous vous rappelez bien qu’il ne doit y avoir sur le litre autre chose que : Par l’auteur du Duc de Guise à Naples. » El le vicomte d’Arlincourt lui-même, dont le nom est resté illustre dans les fastes des crimes imaginaires, cédait au goût du jour en ne signant pas son célèbre roman des Ecorcheurs, publié chez Renduel en 1833 ; ce qui ne l’empêcha pas d’adresser à son éditeur un billet dont le post-scriptum doit être unique dans les annales de la librairie : « Mon valet de chambre, qui vous remettra cette lettre, réclame son exemplaire. Tous mes éditeurs lui ont fait ce cadeau, et il tient d’autant plus à cet usage qu’il a eu ainsi la collection de mes œuvres. » Lequel faut-il le plus admirer ici, du maître ou du valet ?

Michel Masson et Raymond Brucker n’avaient donc signé le Maçon que de leurs prénoms réunis. Le roman des Intimes porta la même signature ; mais ce pseudonyme de Raymond Brucker ne couvrait plus ici les mêmes auteurs : Michel Masson s’était retiré sous sa tente et Brucker avait obtenu pour ce second ouvrage le précieux concours de Léon Gozlan. Chose assez particulière, le traité que j’ai sous les yeux fut même écrit en entier de la main de Gozlan, et signé, le 27 janvier 1831, par lui, Brucker et Renduel. Celui-ci achetait le roman moyennant 2 000 francs à payer le jour de la remise du manuscrit complet, mais il se réservait le droit de faire corriger par les auteurs les passages qu’il croirait pouvoir donner lieu à des poursuites judiciaires. Gozlan. de son côté, avait posé comme condition expresse que sa collaboration ne serait jamais divulguée, et il attachait une telle importance à cette clause verbale, même après le succès affirmé, qu’il écrivait tout exprès à Renduel pour la lui rappeler :


Mon cher Renduel,

Je présume que le temps de votre publication des Intimes, réimprimés, est proche, si toutefois vous les avez réimprimés. Vous n’avez pas oublié, mon bon ami, la protestation que je vous ai faite de ne jamais avouer ce roman, et l’entrevue où il fut convenu entre nous que vous ne mettriez pas mon nom sur la couverture de la seconde édition et suivantes. Ce que je vous en écris, c’est par simple mesure de prudence, car je sais qu’on doit toujours compter sur voire loyauté en affaires.

Mille amitiés,

LEON GOZLAN. 4 mai 1834.


D’autres lettres encore de Gozlan à Renduel sont bonnes a connaître. La première, très vive de forme, indique que l’éditeur