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l’heureuse variation des aptitudes particulières aux impressionnabilités morbides. La graine et le terrain offrent, au même degré, une identique et parallèle instabilité germinative ou réceptrice.

Mais quelles que soient la forme et l’intensité de l’atteinte, la dominante pathologique de l’influenza, son cachet symptomatique officiel, consiste dans l’association diversement graduée d’un état général typique et d’une localisation déterminée. Prostration subite ; douleurs erratiques et inquiétantes ; faciès anxieux, quasi cholérique, encadrant un coryza ou une laryngo-trachéite vulgaires, — tel est l’aspect habituel de l’influenzé. Ce qui frappe surtout l’observateur, ce qui en somme différencie ce malade d’un enrhumé banal, c’est la flagrante discordance des phénomènes généraux et des symptômes localisés, ceux-ci ne justifiant presque jamais la gravité apparente ou réelle de ceux-là. Il importe toutefois de ne pas trop s’en laisser imposer par la bruyante mise en scène du début. La grippe aime l’éclat : à l’exemple des bravaches professionnels et des matamores de la comédie, ses plus menaçantes invectives n’annoncent pas toujours des coups mortels. Ainsi la localisation grippale par excellence, quasi obligatoire, celle qui trahit le mieux le masque trompeur de l’affection générale, a pour siège les voies respiratoires. Effet certain des affinités communes du bacille de Pfeiffer, et des influences météoriques hivernales, pour la muqueuse laryngo-bronchique. Car, quoi qu’on en ait dit, la saison de prédilection de l’influenza, c’est l’hiver, et ses rigueurs sont le plus souvent proportionnées à celles de la température. Considéré séparément, à l’exclusion des symptômes généraux, le catarrhe grippal ne se distingue du rhume commun, que par une marche beaucoup plus rapide vers la purulence, — celle-ci est presque initiale, — et par l’abondance inaccoutumée de l’expectoration. Plus fréquente, aussi, la participation des organes voisins à l’inflammation de la muqueuse bronchique, sous forme de congestion pulmonaire légère ou de pleurite restreinte.

Limitée à ces phénomènes, l’influenza, même violente, ne cesse pas d’être normale, et sa mortalité directe est habituellement modeste. Mais que la congestion ébauchée devienne une fluxion généralisée et intense ; que la pleurésie partielle s’étende à tout un côté, du sommet à la base, immobilisant le poumon dans un cercle de plus en plus étroit de douloureux points d’arrêt ; que la membrane enveloppante du cœur se laisse envahir par les mêmes désordres ; que de nombreux lobules, ou qu’un lobe pulmonaire, tout entier, soient imperméabilisés par un