Quoi qu’on puisse penser du Dr David-Frédéric Strauss et de sa fameuse Vie de Jésus, il faut lui rendre cette justice que, si ses ouvrages lui firent beaucoup d’ennemis, qu’il se plaisait à maltraiter, il sut dès sa jeunesse se faire des amis chauds, auxquels il demeura toujours fidèle. La plupart avaient été ses compagnons d’étude, ses camarades d’école et d’université. Nommons en première ligne Frédéric Vischer, auteur d’un savant traité d’esthétique, M. Edouard Zeller, le célèbre historien de la philosophie grecque, un professeur de gymnase, Christian Märklin, quelques ecclésiastiques protestans, tels que MM. Käferle et Ernest Rapp. Il faut reconnaître aussi que, quoique ces professeurs, ces pasteurs, ces écrivains eussent des opinions religieuses ou politiques très différentes des siennes, ces dissidences n’influaient point sur les sentimens qu’il leur témoignait, et qu’il était capable de s’attacher à des hommes qui pensaient autrement que le Dr Strauss.
Il goûtait vivement Horace ; jusqu’à sa mort, il l’a lu et relu ; il admirait le poète, il admirait encore plus le disciple d’Épicure, et comme Horace il avait le talent de l’amitié. Quelqu’un disait : « J’avais deux amis ; je me suis brouillé avec l’un parce qu’il ne me parlait jamais de moi, avec l’autre parce qu’il ne me parlait jamais de lui. » Strauss parlait abondamment à ses amis et d’eux et de lui. Autant que le lui permettaient son caractère froid, son tempérament flegmatique, il entrait dans leurs intérêts, dans leurs affaires, prenait part à leurs joies et à leurs chagrins, leur donnait de bons avis, d’utiles conseils ; quelquefois aussi il leur en demandait, leur ouvrait son cœur, leur contait ses bonnes et ses mauvaises fortunes, leur confiait ses projets, ses espérances, ses déconvenues et les courtes illusions par