son active propagande ; mais, ajoute-t-il pour nous rassurer, « le temps des croisades est passé. » On le voit, le germe déposé par Monroe s’est singulièrement développé dans le cerveau de M. Olney ; il y a pris des proportions tout à fait imprévues. « Aujourd’hui, écrit le secrétaire d’État aux Affaires étrangères, les États-Unis sont à proprement parler souverains sur ce continent, et leur volonté fait loi pour tous les sujets en faveur desquels ils jugent à propos de s’entremettre. Pourquoi ? Ce n’est pas à cause de l’amitié qu’on éprouve pour eux, ce n’est pas non plus à cause de leur haut caractère de nation civilisée, ni à cause de la sagesse, de la justice et de l’équité qui sont les invariables caractéristiques de leurs actes ; c’est parce que — en plus de tous ces autres motifs — leurs ressources infinies, combinées avec leur position isolée, les rendent maîtres de la situation et pratiquement invulnérables pour toute autre puissance. Tous ces avantages sont compromis si on admet le principe que les puissances européennes peuvent convertir les États américains en colonies ou provinces leur appartenant. » Dès lors, l’Amérique serait condamnée, comme l’Europe, au fléau du militarisme et perdrait par là une partie de ses forces vives. Elle serait comme l’Afrique l’objet d’audacieuses convoitises. Aussi M. Onley n’hésite-t-il pas à affirmer que l’Europe doit rester chez elle, comme l’Amérique le fait de son côté. A-t-on jamais vu, dit-il, l’Amérique avoir l’idée d’intervenir dans les affaires de Turquie ? Cet exemple avait sans doute été choisi avant le moment où les États-Unis n’ont pas jugé déplacé pour eux de s’occuper de la question d’Arménie. Quoi qu’il en soit, M. Onley déclare qu’ « une distance de 3 000 milles de séparation par l’Océan rend toute union permanente et politique entre un État européen et un État américain impossible et contraire à la nature des choses. »
C’est aller beaucoup plus loin que Monroe, et l’Europe ne saurait accepter le congé qu’on lui donne si cavalièrement. Lord Salisbury a dû être un peu étonné en recevant cet énorme et singulier factum. Il y a fait la réponse qu’on pouvait attendre, à savoir qu’une nation tierce, non affectée par une controverse, n’avait pas le droit d’imposer à l’une ou à l’autre des deux parties un mode de procédure particulier ; que le gouvernement des États-Unis ne pouvait pas poser comme une proposition universelle que ses intérêts étaient nécessairement blés à ceux d’un certain nombre d’États indépendans pour la conduite desquels il n’admettait d’ailleurs aucune responsabilité, et uniquement parce qu’ils se trouvent dans l’hémisphère occidental ; enfin que l’union de la Grande-Bretagne et de ses territoires américains, loin d’être un fait contre nature et funeste, était à ses yeux parfaitement naturelle et opportune. Lord Salisbury a parlé le langage du bon sens, et il l’a fait avec modération. La thèse de M. Onley porte, en effet, au-delà du conflit actuel ; si elle était admise, il faudrait que