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Paris dès les débuts de l’ère tertiaire. Sur les bords de la cascade de Sézanne, dans une chaleur humide, les plantes prennent de l’ampleur ; des arbres deviennent grandioses ; il y a des Lauriers, des Noyers opulens, des Tilleuls, des Aulnes et des Saules, entremêlés de Magnolias, de Figuiers, de Symplocos d’affinité tropicale. On y reconnaît une vigne (Vitis sezannensis) et même M. Lemoine a cru trouver sur une de ses feuilles des traces de phylloxera ; il a soumis ces traces à M. Balbiani, qui en a été frappé. Les vignes dont nous tirons notre aimable vin de Champagne descendent-elles de celles qui vivaient dans nos pays au commencement des temps tertiaires ? Cela n’est pas invraisemblable, pourvu qu’on admette des déplacemens, lors des invasions marines ou lacustres qui se sont produites plusieurs fois.

Paris lui-même et ses environs immédiats ont fourni plusieurs espèces de plantes qui ont été décrites autrefois par Brongniart, Watelet et plus récemment par Saporta et M. le professeur Bureau. Les Pandanées, les Palmiers, les Bananiers qu’on y a rencontrés exigent une moyenne de 25°, c’est-à-dire une chaleur tropicale. Les personnes qui se promènent au Trocadéro ne se doutent pas que, lorsqu’on a fait des terrassemens pour l’Exposition de 1867, on y a trouvé des lauriers-roses et ces fruits appelés autrefois noix de coco, provenant de Nipa, type indien intermédiaire entre les Palmiers et les Pandanées. Après bien des années écoulées, je me rappelle encore le charme que j’éprouvais dans mes voyages en Orient, lorsque sous le ciel bleu, au bord de la mer presque aussi bleue, je rencontrais un palmier et une rangée de lauriers-roses dont la couleur s’harmonise si bien avec les teintes environnantes. Plus d’une fois depuis, géologisant dans nos environs de Paris, j’ai pensé que là où se trouve notre tumultueuse ville il y avait une mer aux eaux bleues sous un ciel bleu avec des palmiers sur la rive et des cordons de lauriers-roses. Paysages doux et charmans de la nature, vous datez d’une lointaine époque où le regard humain ne pouvait vous admirer !

Le gisement qui a été le plus exploré par Saporta a été celui de la pierre à plâtre d’Aix en Provence, un peu plus récente que la pierre à plâtre de Paris. Comme Saporta a passé sa vie à Aix, les plâtrières de cette ville ont dû attirer surtout son attention. Les marnes blanches, tabulaires, qui alternent avec la pierre à plâtre, sont d’anciennes boues calcaires dans lesquelles des organismes d’une extrême finesse ont pu se conserver.

On y a recueilli beaucoup d’insectes ; un des ancêtres de Saporta, que j’ai cité, y a découvert un papillon devenu célèbre,