abrogeait implicitement les lois d’exil contre le prisonnier de Ham. Comment d’ailleurs, après avoir admis trois Bonaparte, en écarter un quatrième ? La validation fut votée par les deux tiers des voix (13 juin). Mais le lendemain le prince manqua gâter ses affaires par une démarche imprudente. Il écrivit à l’Assemblée une lettre altière peu propre à calmer les alarmes, quoiqu’elle parût y prétendre. Elle contenait une menace plus qu’une soumission : « Je n’ai pas cherché l’honneur d’être représentant du peuple, parce que je savais les soupçons injurieux dont j’étais l’objet. Je rechercherais encore moins le pouvoir. Si le peuple m’imposait des devoirs, je saurais les remplir. » Cavaignac s’indigna que le mot de république n’eût pas été prononcé. Jules Favre, fatigué déjà d’avoir été une fois sans venin, demanda le renvoi au ministre de la justice ; d’autres parlèrent de mise hors la loi immédiate. Si les amis du prince n’eussent pas obtenu le renvoi au lendemain. une mesure violente eût été décrétée. Le prince, clairvoyant et maître de lui, comprit son erreur et, sans hésiter, la répara par une nouvelle lettre, dans laquelle il donnait sa démission en exprimant son désir du maintien d’une République sage, grande, intelligente. L’orage se calma.
Les tragiques journées de Juin — cette gigantesque guerre civile dans laquelle tant d’héroïsme se dépensa au détriment de notre grandeur — lui parurent la notification providentielle que l’heure écrite avait sonné. Une répression cruelle sévissait contre les auteurs de la sanglante insurrection. Onze mille cinquante-sept individus furent arrêtés. Les fusillades sommaires, les conseils de guerre ne moissonnant pas assez tous les vaincus, on vota « la transportation par mesure de sûreté générale des individus actuellement détenus qui seraient reconnus avoir pris part à l’insurrection (27 juin 1848). » Reconnus ! on ne disait point par qui : aucun jugement de n’importe quelle juridiction n’était requis, pas même un interrogatoire sommaire. On était pris, emprisonné, embarqué, transporté, sans que qui que ce soit vous eût expliqué pourquoi ni sur quelles preuves. Plus de quatre mille individus furent ainsi traités ; ce n’est que peu après que le chiffre en fut réduit à onze ou douze cents.
Cette loi sauvage répondait cependant à l’exigence publique. Un vent violent de réaction, de colère et de vengeance s’élevait de toutes parts parmi ceux qui s’étaient, sans conviction, montrés ardens à se rallier à la république quand ils avaient peur. C’était alors à qui la maudirait, et, en attendant l’occasion de la renverser, pousserait aux mesures de représailles contre ceux qui l’avaient établie.
Préfet à Marseille, où l’insurrection éclata à la veille de celle