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insisté pour qu’elle en limitât le champ par la cession de la Lombardie « plutôt que, en vue de succès douteux et d’opérations militaires incertaines, de courir le risque d’amener une armée française dans le nord de l’Italie[1]. » Il suppliait la Prusse de ne pas se mêler de la lutte du Sleswig-Holstein, de ne pas nous inspirer la tentation du Rhin, pendant qu’elle marchait sur Kiel. « Le possesseur de la Prusse rhénane, écrivait-il à Berlin, devrait hésiter avant de donner l’exemple d’une intervention armée entre un souverain et ses sujets[2]. »

Il ne nous embrassait très fort que pour mieux nous surveiller et nous retenir par l’étreinte de ses bras amicaux. Quoi qu’on lui dît, comme Royer-Collard et les oracles politiques du temps, il était convaincu que les grandes républiques sont nécessairement agressives. Preuve nouvelle des erreurs de jugement produites chez les hommes les plus intelligens par une connaissance inexacte de l’histoire. Si Palmerston l’avait vraiment connue, il se serait rappelé que notre première république n’avait pas été agressive, qu’elle avait été obligée de se défendre contre l’agression britannique, que bien loin de désirer la guerre, les républiques la redoutent, sachant qu’elles sont à la merci du premier général sacré par la victoire. La gloire était le cauchemar de nos républicains, et c’est surtout par frayeur d’être de nouveau confisqués par elle, qu’ils étaient pacifiques.

Le gouvernement provisoire cependant ne justifiait aucune des alarmes de Palmerston. Malgré les encouragemens que les cataclysmes européens donnaient à une politique de propagande révolutionnaire, il s’en abstenait et il désavouait toute pensée d’agrandissement pour nous-mêmes.

En thèse générale, Lamartine était convaincu « que l’alliance russe c’est le cri de la nature, la révélation des géographies, l’alliance de guerre, l’équilibre de paix ». Néanmoins, soit pour ne pas froisser les sympathies polonaises de notre pays, soit pour faciliter un rapprochement de principes et d’intérêts avec l’Allemagne, soit pour prouver que la nouvelle république n’entendait pas agiter le monde à notre profit, il rechercha l’alliance qui est pour nous celle des mains fermées et des pieds immobiles, celle de l’Angleterre. Afin de gagner les bonnes grâces du gouvernement anglais, il se dégagea, sans patriotisme et sans dignité, dérogeant à l’élévation habituelle de son caractère, des colères qu’avaient suscitées les mariages espagnols. Persistant contre la justice à ne voir qu’une bonne affaire de famille dans ce qui avait été « un véritable succès national, il déclarait à tort

  1. A Léopold, ibid.
  2. A Westmoreland, à Berlin, 6 avril 1848.