reine, et appelant Vitry lui-même qui allait et venait au milieu de la cour pour surveiller toutes choses, elle lui demanda ce que c’était. Il lui dit que le maréchal d’Ancre venait d’être tué, que c’était lui qui l’avait fait, par Perdre du roi. La femme de chambre ferma le châssis et courut prévenir sa maîtresse. « Ohimé ! s’écria la reine, j’ai régné sept ans, je n’attends plus qu’une couronne au ciel. »
Quelqu’un qui se trouvait la demanda comment il fallait prévenir la maréchale : « Eh ! répondit la reine, j’ai bien d’autres choses à penser ; si on ne veut pas le lui dire, qu’on le lui chante. » Elle allait, échevelée, par la chambre, battant des mains : « Qu’on ne me parle plus de ces gens-là Je les ai bien prévenus. Ils auroient dû repartir pour l’Italie. J’ai assez à faire de m’occuper de moi. »
La maréchale d’Ancre apprit l’événement par l’arrivée des gardes du roi. La porte de sa chambre étant ouverte, elle les vit et demanda ce qu’il y avait. On lui dit : « Madame. il y a de mauvaises nouvelles ; monsieur le maréchal est mort. » Elle reprit : « Il a été tué ; c’est donc le roi qui l’a fait tuer. » Elle s’écria que son mari était un orgueilleux, un fou, qu’elle le lui avait bien prédit. Puis, faisant un retour sur elle-même, elle mit ses pierreries et ses billets dans la paillasse de son lit, et, s’étant fait déshabiller, l’Italienne, comme un animal blessé, se coucha.
Bientôt les gardes de Vitry pénétraient chez elle et la faisaient lever. Ils bouleversèrent tout dans sa chambre, la dépouillèrent de ce qu’elle aimait le plus, ses pierreries, ses bagues, l’or, l’argent que, par précaution, elle portait toujours sur elle. Elle ne trouva même plus de bas pour se chausser et dut en faire demander à son jeune fils, qui lui envoya aussi quelques écus qu’il avait sur lui ; et la pauvre malade, dont les grandeurs avaient déséquilibré le corps et l’âme, commença à monter le rude calvaire où elle se releva, et où l’histoire inscrit, sur un fond de tortures et de douleurs excessives, sa curieuse physionomie de petite femme énergique et noire.
Luçon était chez un de ses amis, recteur de Sorbonne, où la nouvelle fut apportée par un autre sorboniste qui venait du Palais. Il dit lui-même qu’il fut surpris et qu’il n’avait pas prévu que ceux qui étaient auprès du roi eussent assez de force pour machiner une telle entreprise. Il revint par le Pont-Neuf et apprit, du frère du Père Joseph, que le roi le faisait chercher. Il se rendit, auparavant, chez la reine, où il trouva Barbin et Mangot, dans les écuries, très effrayés. On disait que le roi était surtout excité contre Barbin. Il fut décidé que Luçon, évêque et moins compromis, irait devant. Gagnant donc la galerie du Louvre, il vit le roi, monté sur un billard, au milieu de toute la cour très échauffée et