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DANS L’ARKANSAS
A PROPOS DES ROMANS D’OCTAVE THANET

Ce n’est qu’après avoir visité moi-même l’Ouest et le Nouveau-Sud des États-Unis que j’ai pu me rendre compte de la minutieuse fidélité dans la description des choses et des gens qui fait de chacune des courtes nouvelles d’Octave Thanet un petit chef-d’œuvre d’honnête et piquant réalisme. Mais longtemps auparavant, à Paris, sans en connaître encore le cadre, ni les personnages qui les avaient inspirées, je sentais bien ce qu’elles offrent de vraiment supérieur, cette palpitation chaude, large et sincère de vie vraiment humaine qui les remplit d’un bout à l’autre.

Le volume intitulé Stories of à Western town m’avait servi de guide et de compagnon dans des excursions dont le point de départ fut Chicago. Je m’étais si bien pénétrée de son contenu que chacune des villes en formation plus ou moins avancée où me conduisaient les hasards du voyage avait pour moi, à première vue, un aspect familier. Il faut dire qu’elles ne diluèrent pas beaucoup entre elles, mais le type qui me restait dans l’esprit était l’inoubliable ville de l’Ouest peinte par Octave Thanet. Je reconnaissais tout : la pluie de feuilles mortes qu’un vent âpre soulève sur l’horrible trottoir en planches. tandis que la chaussée de macadam et de boue desséchée brille sous le givre qui l’argente ; les basses rangées de maisons d’ouvriers, la plus haute a deux étages, maisons de bois proprement badigeonnées en différentes couleurs, avec le genre de luxe que procure un déploiement de géraniums derrière l’étroite fenêtre ; les rues plus élégantes, pavées en brique ; les bâtimens substantiels de l’endroit,