vité. » Et pareillement la famille maternelle du malheureux Nietzsche. C’est donc bien en lui seul qu’il convient de chercher les sources de son mal : et dès les premières pages de sa biographie on découvre l’une d’elles, cette activité anormale de l’intelligence, qui tout de suite a porté l’enfant à vouloir tout apprendre, tout comprendre, qui à dix ans a fait de lui un poète, un musicien, un philologue et un auteur dramatique.
Dans une autobiographie qu’il écrivit à treize ans, Nietzsche a lui-même raconté sa première enfance. « Je suis né. dit-il, le 15 octobre 1844 à Rœcken, près de Lützen, et j’ai reçu au saint baptême les prénoms de Frédéric-Guillaume. Mon père était pasteur ; c’était l’image parfaite d’un prêtre de campagne. Doué à un égal degré d’intelligence et de sentiment, orné de toutes les vertus d’un chrétien, il vivait une vie tranquille, simple et heureuse, vénéré et aimé de tous ceux qui l’approchaient... Quant à mon village natal, aucun voyageur ne l’a traversé jamais sans jeter un regard complaisant sur cet aimable lieu, avec sa ceinture d’étangs et de verts buissons, et la vieille tour de son église toute tapissée de mousse. Je me rappelle une promenade que j’ai faite avec mon père de Lützen in Rœcken, et comment, au milieu du chemin, nous fûmes surpris par le bruit joyeux des cloches, sonnant la féte de Pâques. Leur son a depuis lors souvent retenti dans mon cœur ; toujours il m’a ramené en pensée à la chère lointaine maison paternelle. »
Et l’enfant ajoutait : « Au surplus, ce que je sais des premières années de ma vie est trop insignifiant pour que je doive prendre la peine de le raconter. Diverses qualités se sont pourtant de très bonne heure développées en moi : ainsi un certain goût de tranquillité et de silence, qui m’a toujours tenu à l’écart des autres enfans ; ainsi encore une disposition passionnée, qui me venait par intervalles, et me remplissait d’une tristesse sans objet. »
Après la mort de son père, en 1850, sa famille vint demeurer à Naumbourg, auprès de ses grands-parens. Perdu déjà dans ses rêves, jamais le petit Frédéric ne voulut s’amuser aux jeux de son âge : une fois seulement la vue d’un danseur de corde lui fit une impression profonde, si profonde que toute sa vie il en garda le souvenir. Il n’avait pas dix ans lorsqu’il écrivit ses premiers vers, des vers d’une facture un peu maladroite, mais étrangement imprégnés de réflexion et de mélancolie. Et, c’est vers la neuvième année aussi qu’il s’essaya pour la première fois à la composition musicale. « J’étais allé à l’église de la ville, le jour de l’Ascension, et j’entendis la le sublime Alleluia du Messie de Hændel. Il me sembla entendre l’hymne de joie des anges accompagnant le retour au ciel de Notre-Seigneur. Et aussitôt je formai le